Le festival était une photographie à l’identique de l’édition 2019 en termes de lieux de diffusion, d’ambiance et de mobilier urbain. Le centre-ville de Sainte-Thérèse s’était bien conservé pour nous et nous sommes heureux d’y avoir retrouvé cette vibe unique.
La force de Santa Teresa, c’est que le festival regroupe tous ses lieux de diffusion dans un petit tronçon qui englobe trois rues (la rue de l’Église, la rue Blainville Ouest et la rue Turgeon). Il est facilement possible de passer d’une scène à l’autre en deux à cinq minutes de marche. Les festivaliers se retrouvent exposés à un éventail musical sans effort. En dehors de la grande scène, du Cabaret BMO et de l’Église de Sainte-Thérèse d’Avila, toutes les autres scènes sont gratuites. Cette offre musicale fait la force de Santa Teresa. Par exemple, vendredi soir, il était très facile de passer du show de Choses Sauvages pour se retrouver à la scène Desjardins pour découvrir Easy Tiger (le nouveau projet musical de deux membres de NOBRO) pour ensuite revenir à temps pour Hubert Lenoir sur la grande scène.
Lorsque les shows extérieurs finissent pour 23h, les festivaliers s’engouffrent alors dans les multiples bars de la rue Blainville pour alors se transformer en créatures de la nuit. Cette portion du festival pourrait aussi bien être un événement à part, un sorte de OFF-Santa-Teresa. Les trois bars visés (le HB, le Cha Cha et le Montecristo) sont des dive bar, des débits de boisson de la vieille époque lorsqu’on s’accoudait à un comptoir pour boire notre grosse 50 en se faisant appeler cher par une serveuse traînant ses cernes de la veille.
Vendredi le 20 mai
Nous sommes dans un petit parc très achalandé par les festivaliers et la faune locale bordant la Scène Desjardins, une scène gratuite extérieure qui met une ambiance du tonnerre dans le petit centre-ville de Sainte-Thérèse.
Aussitôt que les premières notes de l’intro de Gab Paquet se font entendre, la foule s’aglutine devant la scène. Les sourires sont nombreux. Une mère cours et traîne sa fille, qui a de la misère à suivre, vers le spectacle. Notre joyau québécois a le plaisir de se produire en premier en ce beau vendredi ensoleillé. Il nous livre les nombreux hits de son dernier album « La Force d’Éros » dans une ambiance légère et nonchalante. Le chanteur de charme nous a habitués à des prestation éclatées et hautes en couleur; il nous confirme toutefois qu’il peut aussi se la couler douce en après-midi.
Nous nous rendons ensuite à la microbasserie le Saint-Graal, la scène la plus éloignée du festival. Nous avons donc l’occasion de jeter un coup d’oeil au centre-ville de Sainte-Thérèse, une artère vigorifiée par le cégep Lionel-Groulx. On y retrouve donc plusieurs restaurants à des prix raisonnables servant une cuisine décomplexée, dont le célèbre Arousse (les meilleurs shish taouk vegan des Laurentides!), le Pomme Frite Burger Gourmet et le Pho Sainte-Thérèse, qui nous offre une ambiance familiale vietnamienne très accueillante et authentique.
C’est l’heure de l’apéro au Saint-Graal: les bières sûres se versent allègrement et les pizzas artisanales parfument le petit local bien accueillant. Nous sommes assis à une table et nous attendons Bill Noir, un producteur autodidacte qui travaille généralement dans l’ombre. Il s’agit d’un de ses premiers shows. Il commencera 45 minutes en retard, ce qui va devenir une marque du commerce des shows au Saint-Graal, malheureusement.
Une fois sur scène, l’homme est bien sympathique, y allant de chansons acoustiques accompagnées par des beats provenant d’un ordinateur portable tenant en équilibre sur un tabouret bancal. Une bien belle découverte. Son répertoire numérique est assez varié, passant par des compositions plus trap et hip-hop pour ensuite revenir aux petites chansonnettes légères.
Notre collègue Antoine arrive à Santa Teresa pour couvrir la grande scène et rate malheureusement le show de Lydia Kepinski. Il descend du bus en reconnaissant (le son était très fort et on entendait de loin) 360 jours, une chanson tirée de son premier album. On nous dit sur place que c’était incroyable.
Il y’a ensuite eu Choses Sauvages sur la même scène. Avec un gros sens du groove, ils nous ont fait danser pendant le coucher du soleil. Les morceaux étaient plus étirés que sur leurs albums, pour le meilleur: il y’avait parmi la foule (qui s’épaississait de minute en minute, sûrement pour voir le show d’après) une transe palpable.
Ce fut enfin le tour d’Hubert Lenoir de monter sur la grande scène. D’abord précédé de ses musicien-nes qui ont commencé à chanter Golden Days, tiré de son dernier album, le chanteur à déboulé sur scène avec une énergie débordante. Hubert Lenoir a littéralement mis le feu pendant presque deux heures, fidèle à sa réputation nous direz vous. Sauf qu’il y’avait un petit supplément de « c’est mon premier show au Quebec depuis la fuckin pandémie ». Il a tout de suite compris qu’on assistait à un spectacle important. C’est la première fois qu’on pouvait donc entendre les chansons de son dernier album sur scène au Québec, et franchement, c’était parfaitement maitrisé. Le public chantait toutes les tounes, Antoine avait un peu l’impression d’assister à un concert des Rolling Stones (ayant vu Jack White à la place Bell il y a un mois, où l’ambiance n’était pas aussi brulante). Comme on peut s’y attendre, ça a fini avec des micros à terre, des guitares brisées, et beaucoup, beaucoup de bruit de la part du public. Hubert est même allé jusqu’à continuer le show, a capella, alors que le système de son était éteint.
Notre collègue a eu l’occasion de s’éclipser 15 minutes du show d’Hubert pour aller voir un petit bout de celui de Sollipsisme. Il a adoré l’énergie hypnotique qui s’en dégageait. Le son était d’une très bonne qualité, on pouvait apprécier les longues pièces languissantes de cette formation qu’il ne connaissais pas. Il a aussi beaucoup aimé l’esthétique bleu-orangée de la scène Desjardins, ça collait bien à ce groupe là.
Les spectacles dans les bars sont toujours une expérience. Les artistes sont souvent à l’arrachée, nullement dans leur élément. Bolduc Tout Croche ne fait pas exception dans un Cha Cha bigarré, où les réguliers du dive bar tapissent le comptoir du bar ainsi que les machines de vidéopoker alors que les quelques curieux du festival qui osent s’aventurer hors des scènes extérieurs s’entassent devant la petite scène. Les spectacles au Cha Cha sont diffusés en direct sur les ondes de CISM, ce qui offre une visibilité de plus à des artistes de tout calibre.
L’ensemble country-Folk Bolduc Tout Croche commence sa prestation alors que la serveuse du bar éteint la liste de lecture de la place qui joue depuis mon arrivée. Des gros hits dignes des belles années de danse mix 95 se succédaient alors que le groupe se préparait à entrer sur scène.
Malgré les circonstances un peu extraordinaires, Bolduc Tout Croche nous offre une superbe prestation intime et inébranlable.
Samedi le 21 mai
L’atmosphère est lourde, l’humidité est à son comble en fin d’après-midi. Heureusement, le festival met à la disposition des spectateurs des jeux afin de nous relaxer avant une deuxième soirée bien remplie. Alors que des nuages menaçants commencent à remplir le ciel, nous jouons au mini-golf, à un jeu de jenga géant. Nous ne nous doutons pas de ce qui nous attend. Un peu avant 18h, des vents violents envahissent Sainte-Thérèse. Nous sommes à la Scène Desjardins où l’artiste montréalaise Odreii doit se produire. Nous recevons une alerte sur nos cellulaires d’un risque de tornade. Est-ce qu’un Santa Teresa sans tragédie ou imprévu est réellement un Santa Teresa? La question nous tourmente. L’équipe de la scène Desjardins consulte Odreii, qui décide de mettre sa prestation sur pause, alors que la pluie commence à déferler sur les spectateurs. Les bénévoles courent partout pour bien attacher les tentes, couvrir l’équipement. Nous nous recueillons sur le perron du quartier général du festival alors que les éléments se déchainent. La tempête durera en tout 45 minutes, pour ensuite nous laisser une atmosphère plus fraîche. Les spectacles peuvent maintenant recommencer.
La scène Desjardins laisse une grande place aux femmes et à la diversité ce soir. Décidant de miser sur du néo-soul, du RnB et du hip hop, les artistes Chung, Odreii, Witch Prophet et Claudia Bouvette se succèdent et créént une belle ambiance d’unité et de fierté sur place. Nous aimons beaucoup Witch Prophet, une artiste ontarienne qui communique beaucoup avec la foule, très heureuse d’être là et sûrement d’avoir échappé à la tempête!
Une petite course au Saint-Graal pour attraper MoKa au bond. Le duo hip-hop queer (accompagné-es d’un-e MC) a attiré une belle foule dans le petit bar. Illes ont une belle complicité et les gens sont déjà fans.
Petite pause. Nous nous laissons tenter par un foodtruck au cœur du festival. Je dévore un nachos et nous repartons pour la Chapelle. Nous ne connaissions pas Flight of the Oryx et leur performance nous surprend par son intensité et son groove. Les versions live de leur catalogue sont beaucoup plus explosives et le chanteur est très charismatique, chantant et se tortillant torse nu devant une foule entassée dans un petit décor intime.
Nous nous installons au comptoir du Cha Cha et nous sommes surpris de nous y sentir chez nous. Bien que nous ne nous fondons pas parmi la faune locale, personne ne nous en tiens rigueur. Nous commandons une grosse Tremblay en attendant Xela Edna. Encore une fois, la barmaid éteint la musique du bar, qui est aux antipodes de la prestation qui s’en vient. Ce soir, nous avons droit au canal Classic Rock de Stingray Music. Les premiers beats électro du trio nous font vite oublier CCR et The Eagles. Les spectateurs venus voir le show sont plus nombreux qu’hier. Les gens sont plus festifs. Les gens dansent, grognent, se défoulent. Pendant ce temps, les deux chanteuses nous envoutent par leurs mouvements sensuels et leurs voix oniriques.
Dimanche le 22 mai
La journée débute avec un Super Plage en forme, malgré une température maussade. Il se donne corps et âme, toujours fidèle à lui-même, nous confiant qu’il aime recevoir de la drogue gratuite, avant de chanter la pomme à une spectatrice en lui tenant la main.
Entre deux menaces de tempête et trois gouttes de pluie, il faut être bien motivés pour décider d’aller au festival ce jour là. Sous un ciel gris, nous pouvons voir le show des Hôtesses d’Hilaire, et même si les circonstances météorologiques ne sont pas idéales, nous sommes vraiment étonnés du peu de monde qui est là. Malgré tout, les Hôtesses donnent un show parfait, très 70’s comme d’habitude. Le groupe est en forme. Ensuite il y a Douance et leur shoegaze-grunge. Une belle énergie sur scène, dommage que le monde ne soit pas au rendez vous, c’est un groupe qui mérite plus niveau foule.
Nous avons ensuite l’occasion de voir la fin du set de Calamine, qui a de son côté un public qui se fait entendre. Très à l’aise sur la scène, cette artiste livre avec le sourire et l’humour qu’on lui connait son répertoire hip-hop relax.
Un petit crochet par le Saint Graal pour s’entasser afin de voir un bout du show de Virginie B, juste assez pour constater que la formule duo lui va bien. Nous sortons assez vite pour ne pas rater le début du show de Thierry Larose, et pour sortir des effluves de transpirations du Saint Graal.
C’est après une première partie surprise de Vanille que Thierry et son band de feu ont débarqué sur la jolie scène bleu orange. Livraison impeccable, énergie débordante, et un coucher de soleil qui s’accorde avec ce mélange de proximité et de grands espaces que propose l’artiste. Gros coup de cœur pour L’Ile a 25 sous, une de ses meilleures chansons selon notre collègue Antoine. Il y a du beau monde pour l’accompagner sur la scène comme Sam Beaulé à la basse, Alexandre Martel aux guitares ou encore Lou-Adriane Cassidy aux claviers et chœurs: une belle brochette de valeurs sûres pour un show enivrant.
Mais le temps passe vite! Nous nous retrouvons un peu plus tard dans l’église Sainte-Thérèse pour assister au spectacle de Pierre Lapointe en piano solo. L’artiste livre avec une grande simplicité ses chansons intemporelles, l’émotion est au rendez vous. On tient à faire une mention particulière pour ses interventions, parfaites, qui nous donnent à la fois un bon contexte pour apprécier ses œuvres tout en étant drôle et parfois décalées. Nous en ressortons rempli d’apaisement, et puis l’on entend au loin Le Couleur, qui est en train de mettre le feu à la scène Desjardins.
Alors qu’Antoine s’en retourne à la maison, satisfait de sa journée, malgré une légère déception face à une édition du festival avec des spectateurs un peu moins au rendez-vous, nous sommes assis au comptoir du Cha Cha pour une troisième soirée. Grosse Tremblay à la main, nous discutons avec la serveuse qui commence à bien nous connaître, fidèle au poste depuis vendredi soir. Elle voit les prestations d’un bon oeil, amenant un vent de fraîcheur dans son bar, plutôt reconnu pour ses réguliers bon vivants qui se connaissent tous. Son sourire est fatigué et elle assure tout de même aux habitués de la place que le tout va revenir à la normale la semaine prochaine.
L i l a balance leur premières notes devant une faible assistance chapeautée par une table de vieux tannants qui parlent un peu fort. La voix précise et puissante de la chanteuse les dompte un peu, autant que l’ont peu dompter des vieux hommes qui en ont toujours fait à leur tête. Le spectacle est sans faute. Chaque chanson a sa place. Nous avons même droit à une nouvelle pièce plus abrasive qui met l’eau à la bouche pour un nouvel album.
C’est ce qui clôt notre aventure à Santa Teresa, et on a déjà hâte à l’an prochain! En espérant que tout soit encore au rendez-vous… avec idéalement plus de monde, et moins de tornades!