L’heure idéale
(Duprince)
Après avoir décoiffé le Québec avec l’excellent Daniel (2018), Jesuslesfilles est de retour avec un quatrième album intitulé L’heure idéale, qui révèle une très belle progression pour la bande à Martin Blackburn (voix, guitares) et ses complices (Yuki Berthiaume-Tremblay [voix, claviers], Guillaume Chiasson [guitares], Thomas Augustin [basse] et Benoit Poirier [batterie]).
Sur cet album réalisé par Emmanuel Ethier, on reconnaîtra le rock garage psychédélique qui caractérise le projet depuis ses débuts il y a plus de dix ans, mais celui-ci est beaucoup plus fin et subtil par endroits, s’approchant davantage de la pop indé sur certains morceaux, notamment sur la pièce d’ouverture, l’excellente L.A. (à laquelle participe Laurence-Anne – L.A., Laurence-Anne, la pognes-tu?).
Même s’il y a davantage de subtilité, voire un brin de douceur, celle-ci se mélange superbement à l’énergie brute du groupe, comme on peut le remarquer sur Doux Doux, une pièce aussi entraînante que mélodieuse qui donne le goût de danser joyeusement tout en hochant doucement de la tête dans tous les sens. Du bon gros rock and roll avec ses riffs accrocheurs et son solo de guitare aussi bref qu’intense.
La réalisation d’Emmanuel Ethier est top notch, et on peut facilement remarquer son influence un peu partout, que ce soit dans la mise à l’avant des voix (Troisième semaine), qu’on entend mieux que jamais (une maudite bonne chose – ça s’approche pas mal plus de mes expériences en concert avec le groupe), ou dans la désaturation du mur de guitares (qui sont encore omniprésentes, par exemple sur Cris) qui nous permet d’entendre le reste.
J’ai toujours trouvé que Jesuslesfilles faisait de la belle musique de road trip, et c’est en plein ce que je me suis dit en entendant Charlotte de cowboy ou Antennes (et ses wah wah de guitare), qui me donnent donc le goût de passer mon permis et partir au loin sur un long ruban d’asphalte.
Petit morceau entraînant à mi-chemin entre le psych et le yéyé, Vingtièmement nous ramène avec bonheur à la fin des années 1960, tandis que sur Cinéma 2, on trouve une petite vibe sale, mais drôlement entraînante, comme Malajube en avait le secret à ses débuts.
Un gros pouce en l’air pour Trottoirs d’or et ses cordes qui se marient à la perfection au fuzz du groupe.
Non, L’heure idéale n’est pas un album parfait de bout en bout, la succession de jolies briques dans la face du début de la galette finit par se calmer (certains parleraient d’essoufflement). Les chansons ne sont pas moins bonnes, mais on se demande si ce decrescendo n’aurait pas pu être atténué en remaniant un peu l’ordre des pièces. C’est un petit bémol de rien du tout, mais je ne suis pas le seul à le relever.
Somme toute, L’heure idéale nous fait passer un bon moment avec un groupe en pleine possession de ses moyens qui a peaufiné son art pour le rendre plus accessible sans y perdre sur le plan de la personnalité. Jesuslesfilles nous offre ici son oeuvre la plus aboutie, réalisée avec brio par un gars qui connaît son rock garage psychédélique. Ça donne une grosse demi-heure de gros fun qu’on peut écouter en boucle ou, mieux encore, après les trois autres albums de la bande, ne serait-ce que pour mieux apprécier les progrès réalisés en une décennie.