Pottery nous invite au Bobby’s Motel

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Les Montréalais de Pottery frappent fort et juste avec ce deuxième disque, qui fait suite à « No.1 », un excellent début qui avait fait des vagues à l’époque. Il faut dire que le groupe accueille entre autres en son sein Paul Jacobs, déjà reconnu un peu partout pour son rock garage psychédélique et lo-fi qu’il trimballe sur scène de festival en festival pour le plus grand plaisir des mélomanes. Le niveau de production ici est beaucoup plus élevé malgré le son plutôt cru, l’album étant visiblement le fruit d’une grosse somme de travail. Le groupe, manifestement adepte de David Byrne et des Talking Heads, s’est donné pour mot d’ordre de se divertir et de nous inclure dans la fête avec des riffs contagieux aux ambiances diverses, inspirées de divers courants musicaux modernes et moins récents, d’ici et d’ailleurs, en bon citoyens du monde. Si la terre est cuite et qu’il n’y a plus moyen de ramasser les pots cassés, aussi bien en profiter s’inviter à la fête ou à l’orgie, fût-elle dans un motel louche et odorant.

Le vocal rappelle aussi souvent celui des têtes parlantes d’ailleurs, ce n’est pas seulement la musique qui est inspirée par ce groupe phare. C’est à la fois très sérieux si on se fie au niveau de qualité, et teinté d’un humour parfois salace qui peut rappeler l’univers de Frank Zappa. Bobby, c’est toi c’est moi pis c’est nous autres, c’est monsieur madame tout le monde, c’est une incarnation de la liberté, capable du meilleur comme du pire. Surtout du meilleur. Bobby symbolise le grave et le léger, l’euphorie et la colère, la danse au bord de l’abîme, la volonté de vivre et la sagesse très sérieuse de savoir ne pas se prendre au sérieux.

Après une introduction essentiellement instrumentale, au tempo d’abord bien soutenu mais qui change subtilement et radicalement comme seuls Froth savent si bien le faire sur Patterns, on arrive aux choses sérieuses avec Under the wires et on voit tout de suite que le groupe saura nous divertir. Rythmes dansants, percussions, vocaux dignes des Talking Heads, l’album s’annonce coloré et dynamique dès les premières notes. L’ambiance ne perd rien dès que s’amorce Bobby’s forecast, ce qu’il y a de plus près d’une chanson éponyme sur l’album, alors que le groove prend ses aises avec un rythme fort entraînant, que viennent parfois rompre certains courts passages plus expérimentaux. Les claviers et guitares sont également mises à profit pour confectionner le son du groupe ici. Down in the dumps ne change pas trop une formule gagnante alors que Reflection nous apporte en territoire plus pop et feutré, avec un tempo plus posé et une instrumentation moins chargée et nerveuse, qui laisse toute la place pour la magnifique voix du chanteur. La suivante Texas Drums Pt I & II nous ramène en terrain connu avec un son funky et un rythme entraînant, nappé de vocaux de groupe qui rendent le plaisir contagieux comme une virulente maladie vénérienne. La pièce la plus longue de l’album est vraiment intense dès le départ, puis elle prend une tournure plutôt épique au milieu, à cheval entre le garage et le plancher de danse, sans qu’on sache exactement comment on est passé de l’un à l’autre, le trip d’acide n’aidant pas à démêler les cartes.

Tantôt post-punk, dance-punk, art-rock, art-pop, le groupe s’abreuve de son propre aveu à des sources aussi variées que Devo et Gang of Four, rappelle aussi parfois des trucs plus récents comme The Rapture, Man Man, Parquet Courts, Fat White Family ou même Foals à leurs débuts. L’album s’écoute vraiment bien d’un couvert à l’autre, c’est un divertissement de gros calibre, ludique et pertinent, parfois décalé mais généralement très accrocheur, souvent les deux à la fois, comme sur What’s in fashion? qui fait suite à la courte et efficace NY Inn. Arrêts brusques, guerro, chorale entraînante, riffs répétitifs et simples mais oh combien efficaces, tout y est pour nous tenir motivés et captivés tout l’album durant. Take your time qui suit est encore plus frénétique que la précédente, plusieurs moments assez variés s’y enchaînent et préparent le terrain pour la chanson de conclusion, Hot Like Jungle, qui nous ramène en terrain feutré, avec quelques couches de synthés et une ligne de basse simple mais lumineuse et chaleureuse donc très efficace.

« Welcome to Bobby’s Motel », c’est un disque qu’il convient d’écouter à répétition, qui accompagnera généreusement vos roads trips et vos fins de soirées qui s’étirent, apte à plaire à un large public grâce à ses élucubrations expérimentales modestes au service d’une pop tissée serrée.

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