L’offrande occulte de Braids

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Le trio art-pop montréalais Braids est de retour après une longue absence avec un quatrième album intitulé « Shadow Offering ». Un album mélodramatique typique de la formation qui a lui-même goûté à des drames déchirants ces dernières années.

Réalisé par Chris Walla (Death Cab For Cutie), cette collection de neuf morceaux nous plonge dans l’univers hautement émotif de Raphaelle Standell-Preston et ses complices (qui ont profité de leur absence de près de trois ans pour rebâtir leur esprit d’équipe).

Comme on pouvait s’y attendre, les mélodies atmosphériques nous plongent dans un genre de stase, un rêve pas toujours rose bonbon, un univers que Standell-Preston nous décrit de manière très théâtrale avec ses textes qui laissent peu de place à l’interprétation. Musicalement, la formation est manifestement au sommet de son art, les arrangements sont à la fois complexes tout en paraissant dépouillés (du superflu, tout le moins). La formation a pris le temps d’envelopper chaque pièce dans une bulle qui lui est propre à coups de claviers, de batterie et de guitares juste assez torturées pour qu’elles soient souvent méconnaissables.

Du côté des textes, Standell-Preston a vraiment gagné en maîtrise et en assurance et nous parle sans aucune gêne de sa valeur (Here 4 U), du désir et de la séduction (Young Buck) et de plein d’autres trucs comme la distanciation émotionnelle (Just Let Me). Les textes sont parfois beaucoup plus sombres que les mélodies qui les accompagnent, créant ainsi un paradoxe fort intéressant.

L’ensemble est fort réussi, mais c’est surtout la très longue Snow Angel (9 minutes de pur bonheur) qui retiendra l’attention. Ici, Standell-Preston se lance dans une longue envolée à la fois musicale et lyrique qui touche à tout : le privilège blanc, les changements climatiques, la maternité, le téléphone qui ne fonctionne plus. Raphaelle se vide vraiment le coeur. Ça commence doucement, avec un petit groove, mais la pièce se transforme et gagne ou perd en intensité au fil des émotions chantées, dites ou criées par Standell-Preston. Le morceau est une réussite totale et résume à lui seul pas mal tout l’album.

Il y a un côté semi-prophétique aux chansons de cet album, qui avaient été écrites avant la situation dans laquelle nous trouvons. L’éloignement social, le mouvement BLM, tout ce qui éclate aujourd’hui s’y trouve mentionné très clairement, sans subtilité superflue.

On vous avertit, « Shadow Offering » n’est pas un album facile qu’on peut écouter d’une oreille sans trop penser à ce qui s’y dit. Le fonds de commerce de Braids, c’est l’émotion, et celle-ci se transmet à merveille lorsqu’on saisit tout le contexte.

Un très bel album dans lequel les plus sensibles d’entre nous se reconnaîtront!

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