Boîte aux lettres
(Simone Records)
Pour leur troisième album, Les Hay Babies ont reçu un appel du destin. Voyez-vous, il y a quelque temps, pendant que Vivianne Roy se lançait tête baissée dans son projet solo, Katrine Nöel et Julie Aubé tenaient une friperie à Moncton où on venait souvent leur porter des boîtes de vêtements. Dans une de ces boîtes, une pile de lettres d’une certaine Jackie, écrites dans les années 1960.
Jackie avait quitté son Acadie natale pour aller s’établir à Montréal, et dans ces lettres, elle racontait ses joies, ses peines, ses réussites et ses échecs. Pas de mari, pas d’enfant, une vraie femme du 21e siècle vivant peut-être 50 ans un peu trop tôt. Il n’en fallait pas plus pour inspirer nos trois jeunes autrices-compositrices-interprètes, qui se sont fortement inspirées de ces lettres pour écrire et composer leur album le plus abouti à ce jour.
J’m’appelle Jacqueline
Jacqueline
But you can call me Jackie
Si vous avez suivi la carrière du trio depuis ses débuts, vous vous doutez bien que nos héroïnes du jour ne se sont pas contentées de faire du surplace. Après le folk-pop de Mon Homesick Heart et le rock très seventies de La quatrième dimension (version longue), Boîte aux lettres a une esthétique sortie tout droit des années soixante, et Les Hay Babies ont pris les grands moyens pour y arriver : Si Pierre Guy Blanchard avait réalisé seul les deux premiers albums du trio, cette fois, Katrine, Vivianne et Julie se sont installées avec lui « derrière la console » du studio-maison de Katrine (et de Mico Roy, qui est bien sûr de retour avec sa guitare magique). Elles ont également fait appel aux talents de flûtiste d’Anna Frances Meyer, qui est présente sur de nombreux morceaux, dont Fontaine à vœux, qui ouvre l’album de belle façon en établissant clairement dans quel registre on va se trouver tout au long de ce voyage dans ce passé pas si lointain.
On trouve sur Boîte aux lettres tout ce qu’on aime déjà des Hay Babies : les magnifiques harmonies vocales du trio, les mélodies terriblement accrocheuses, la quantité vertigineuse de travail pour en arriver à un résultat dont elles peuvent être fières. Par contre, cette fois, il y a tellement plus : le fil conducteur tout au long de cet album résolument féministe, ce qui n’empêche pas les jeunes femmes d’explorer différentes sonorités et de nous surprendre à chaque détour.
Difficile de choisir ses morceaux préférés dans cet album qui s’écoute vraiment d’un bout à l’autre et où les temps morts peuvent être considérés comme des petits moments de répit salutaires. J’ai quand même un gros faible pour Roses rouges, où la guitare de Mico Roy me donne encore une fois envie de pleurer, pour Jacqueline, sacrément Serge (Gainsbourg ET Brideau) dans son ton et son spoken word, ainsi que pour Les vieilles filles, qui a une des mélodies les plus entraînantes et lumineuses du répertoire des Hay Babies.
Boîte aux lettres, c’est le genre d’album qu’on écoute, le livret à la main, question de bien saisir toute l’histoire. Julie Aubé, Katrine Noël et Vivianne Roy sont ici au sommet de leur art et nous montrent qu’on va pouvoir compter sur leur créativité et leur talent pour encore un bon gros bout de temps.
Bon, vous m’excuserez, j’ai envie de danser, et la dernière pièce de l’album (la pièce-titre) ne dure pas très longtemps. Je vous laisse.
On se voit le 13 mars au D’Auteuil?