Julie Blanche – « Le grand spectacle »

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Dire que j’avais hâte de m’asseoir bien tranquille et d’écouter « Le grand spectacle », le deuxième album de Julie Blanche, serait un euphémisme. Son premier album, paru il y a cinq ans, ressemblait « une froide soirée de février passée à côté du poêle à bois » avec son folk-rock plutôt très introspectif, ce qui m’avait beaucoup plu à l’époque, et on avait entendu dire que cette deuxième proposition réalisée par Pietro Amato allait prendre une toute autre direction.

Tout excité j’étais.

Et tout excité je suis resté tout au long de mes écoutes. Dès les premières notes de Tout passera, on sent ce vent de changement qui balaie tout sur son passage. Cette chanson se veut un avant-goût du reste de l’album : même si on reconnaît les accents mélodiques qui nous avaient plu à notre première rencontre, on se trouve pluôt devant de la maudite belle pop aux accents rock, le jeu de batterie frénétique, des arrangements recherchés, et une voix qui a prix des tonnes d’assurance depuis la dernière fois qu’on l’a entendue.

Tout au long de l’album, on sent que Julie et Pietro (qui coécrit toutes les chansons) ont voulu se démarquer, pousser leurs limites et explorer des sonorités qu’on entend un peu moins dans la langue de Leclerc, même si je dois avouer que j’ai pensé très fort à une autre Leclerc (Salomé) sur Éclipse avec sa petite touche mi-Björk, mi-Radiohead. On sent même un petit grain dans la voix qu’on n’entend pas sur le reste de la galette.

Les chansons fortes se succèdent sur « Le grand spectacle » : difficile de ne pas avoir un petit frisson en écoutant Dans le ventre de la nuit, ni d’avoir la gorge un peu serrée au refrain d’Après l’arrivée des monstres (probablement la plus belle pièce qu’a écrite l’autrice-compositrice-interprète jusqu’à maintenant avec sa douceur et ses arrangements qui font rêver). On se laisse porter par le jeu un brin ludique des musiciens sur À l’envers, ou par les instruments à vents en folie sur Terre tranquille.

On a même parfois envie de danser (lentement), comme sur Une autre dernière fois, langoureusement groovy, un brin trip-hop (si on oublie les arrangements organiques absolument incroyables).

Vachement bien entourée, notamment par Pietro Amato qui ajoute autant de chaleur (cor français) que de synthés, Cédric Dind-Lavoie et ses basses, Stéphane Bergeron et Stefan Schneider aux percussions, Daniel Baillargeon et son excellent jeu de guitare (très atmosphérique), ainsi que les Woodies (Lise Millet au basson, Jocelyne Millet à la flûte, Florence Blain au hautbois et Guillaume Bourque à la clarinette basse), Julie Blanche réussit, sur « Le grand spectacle », à nous faire rêver éveillés pendant un peu plus d’une demi-heure. Même à leurs moments les plus complexes, les arrangements ne se transforment pas en cacophonie (il aurait été très facile de tomber dans ce piège), et bien qu’on s’imagine que ça va bien sonner à quatre ou cinq sur scène, rien ici n’est superflu, même si on manque parfois quelques nuances aux premières écoutes (et c’est pour ça qu’il faut prendre le temps de bien écouter l’album).

Cette demi-heure, on la passe à vivre toutes les émotions transmises par Julie et ses amis, autant par la beauté des textes que par la richesse de la musique. Le travail était colossal, mais le résultat est à l’avenant. « Le grand spectacle » marque une méchante belle évolution pour Julie Blanche, autant par son ambition que par son exécution. On s’incline avec le plus grand respect.

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