Le 7 novembre 2019, le groupe de musique néopop québécoise L’Aurore présentait au Maelstrøm Saint-Roch le fruit de son deuxième album intitulé L’Écho des premiers jours – chapitre 1, devant un public friand de ses envolées symphoniques et de mots introspectifs portant sur la beauté enfouie du vouloir.
L’Écho des premiers jours est l’aboutissement spectaculaire d’un ouvrage de six collaborateurs virtuoses, chapeautés par le chanteur Philippe Bourque, mettant en lumière les textes magnifiques et délectables de l’écrivain multidisciplinaire Émile Vigneault. Sur disque, l’amalgame est convaincant, charismatique et intelligent. Sur scène, tous les moyens sont déployés pour transporter le spectateur dans une sphère d’espoir suffisamment grandiose pour étancher (ou faire naître) la soif de liberté et d’expression d’un peuple en quête de reconnaissance.
Tous les six collaborateurs de l’album se tiennent fièrement entassés devant la foule du Maelstrøm et libèrent de leur âme chacune des notes émises des divers instruments : violon, violoncelle, batterie, piano, cor, flûte traversière et alouette. Il s’en dégage ainsi une superbe orchestration pop lyrique qui amplifie les mots d’Émile Vigneault et épanche les cris du coeur d’une nation étouffée.
Par son charisme et sa très grande aisance sur scène, Philippe Bourque sait engager la foule et l’animer avec humour et candeur, rendant la prestation très personnelle et exclusive. En guise de présentation des titres, il raconte avec désinvolture et sur de jolies ritournelles des anecdotes en lien avec les étapes de production de L’Écho et ses sources d’inspirations. Les musiciens sur scène se joignent aux interventions en y apportant leurs savoureux petits grains de sel. Le spectateur adhère avec enthousiasme aux propos et participe aux échanges avec les artistes, ce qui occasionne des instants rien de moins que magiques.
On ne doit cependant pas s’attendre à ce que l’aspect vocal du spectacle ne se démarque davantage que celui de la musicalité qui, comme précédemment mentionné, est exécutée admirablement. La voix de Philippe porte haut et fort chacune des mélodies qui émergent de son piano blanc, mais gravite essentiellement autour du même octave. L’attrait principal du spectacle qui soutient L’Écho des premiers jours réside dans l’ensemble homogène de son instrumentation, des textes humanistes polarisants d’Émile et de la conviction de l’interprétation du message social.
Le projet L’Aurore se dit influencé par les Grands de la chanson québécoise, mais semble-t-il loin de réaliser qu’il possède déjà le même calibre que ses influenceurs. Beau Dommage peut échapper un soupir de soulagement, car selon bien des avis, L’Aurore fera jaillir de la nuit la flamme d’un nouveau pays.
Anne et le Tigre
Le quintette Anne et le Tigre tire de plus en plus son épingle du jeu sur la scène indie de Québec. Au cours des derniers mois, ecoutedonc.ca a eu le bonheur de les entendre et de les contempler à quelques reprises. À l’occasion du lancement du nouvel album de l’Aurore, la formation s’est affairée à lancer les activités en formule duo. Ann-Lydia Plourde, meneuse du projet, aux claviers et à la voix de cristal et Jérémy Dufour à la guitare et aux choeurs.
À deux -ma foi! que serait le résultat à cinq- Anne et le Tigre en poste réussissent à concocter une ambiance bucolique et touchante grâce à de magnifiques envolées musicales frôlant le lyrisme naïf. L’interprétation des textes est saisissante. Les images suggérées par les mots projetés par la voix d’Ann-Lydia sont vivides dans l’imaginaire des spectateurs, comme si elles flottaient entremêlées au-dessus de leur tête.
Dans d’autres circonstances, on comprend qu’Anne et le Tigre s’approche davantage du rock ambiant que dans la ballade contemporaine, mais dans le cadre d’un spectacle ayant pour thème l’hymne à la liberté, l’offre d’une prestation adoucie, axée sur la diffusion mélodique et émotionnelle, était le choix artistique parfait pour annoncer les couleurs de la soirée. Et à en juger par l’écoute admirative et ébahie de la foule, Anne et le Tigre a eu raison.
Émile Vigneault
Il était tout à fait naturel que l’auteur des textes autour desquels gravite le projet de L’Aurore participe en formule indépendante au lancement du dernier opus de son band. Sa prestation est opportune, mais surtout mémorablement spectaculaire. On l’a dit, Émile Vigneault est un artiste multidisciplinaire et déploie tous ses talents pour en mettre plein la vue et prendre d’assaut le coeur des spectateurs.
Performeur est le mot-clé, car il en est tout un. Certes, assister à un numéro de poésie en première partie d’un spectacle de musique peut faire craindre un désintérêt total de la part du public, mais dans le cas d’Émile, il n’en est rien et ce, dès les premières secondes de la prestation.
Ses poèmes, jonchés de surprenantes perles métaphorées, sont appuyés par une trame musicale originale, donnant énormément de textures à ses propos. Sa maîtrise du jeu dramatique dynamise tous les sens et transforme chacune des âmes en fleur bleue. Hyperactif de nature, Émile capitalise sur cette particularité pour exprimer l’intensité de ses convictions humanistes les plus chères à ses yeux : le pouvoir de l’imaginaire et la force de la beauté intrinsèque.
Il terminera beaucoup trop tôt son numéro, ému tout autant que le public. « Vous me touchez; j’espère que je vous touche aussi! », conclut-il. Sérieusement. Authentiquement. En toute honnêteté, le milieu culturel se doit de faire une place à Émile Vigneault, un artiste doué jusqu’aux oreilles, un pur défenseur humanitaire et le porte-étendard par excellence de la liberté. La relève parfaite de son grand-père, quoi. Un must, point final.