À la soirée du 19 octobre à l’Anglicane, Elisapie nous a fait vivre de grandes rencontres: celle du Grand Nord avec la culture populaire, celle de ses origines inuit avec les réalités urbaines, celle de l’histoire avec le présent. Mais avant tout, il y eut la rencontre de toutes les personnes présentes qui, en dépit de leurs différents horizons, se sont retrouvées pour vibrer au son d’une musique rassembleuse.
Accompagnée par Jocelyn Tellier (guitare), Pascal Delaquis (batterie) et Amélie Mandeville (basse), la chanteuse a accueilli ses spectateurs avec Quanniuguma, tirée de son plus récent album, « The Ballad of the Runaway Girl ». Si la langue inuit et les chants de gorge étaient inhabituels pour les oreilles du public, on s’est fait tout de suite emporter par l’indie folk-rock imprégné de textures riches du groupe.
En effet, alors qu’elles regorgent de facettes plus complexes et de particularités qui lui sont propres, les compositions qui figurent sur le dernier disque d’Elisapie restent malgré tout facile d’approche et permettent à chacun de s’y retrouver. On y reconnaît les influences de la musique populaire avec leurs couleurs blues, rnb, seventies ou encore psychédéliques. Or, d’un autre côté, on y pressent aussi une force dramatique et indicible qui réside dans la rencontre, dans le choc presque, des univers qui finissent par se mélanger.
L’artiste a enchaîné avec la chanson éponyme de l’album, qui parle – en anglais, cette fois – de mémoire et de fuite, avant de s’arrêter un moment pour nous parler – en français – de la prochaine pièce. Autant dans ses chansons que dans ses interventions, Elisapie se raconte. Elle nous parle de sa mère biologique sur Una, des montagnes russes qui l’ont secouée lors de son hiatus musical de 5 ans au bout desquels a finalement pu germer la douce et miroitante Ikajunga.
Au fil des chansons, en passant de l’individuel au collectif, Elisapie crée aussi un espace où chacun peut se sentir concerné et apprendre à connaître l’Autre. C’est ainsi que nous avons été portés autant par Don’t Make Me Blue, qui fait le voeu d’un amour pur, qu’être confrontés, en douceur, aux réalités trop souvent tues des pensionnats ainsi qu’à celles, plus actuelles, des questions sur l’avenir à la veille des élections fédérales. Les pièces comme Call of the Moose ou encore sa reprise de l’artiste autochtone Willie Trasher en auront ainsi certainement marqués plus d’un.
Juste avant de quitter la scène une première fois, le groupe nous a suggéré avec bienveillance de nous lever pour célébrer la femme et ses forces avec Arnaq (mot qui signifie « femme » en inuktitut). Il n’y avait rien de plus plaisant que de voir jeunes – et surtout moins jeunes – se dandiner en levant parfois le poing à la gloire à venir des femmes qu’on a, aussi, trop souvent tues. Sauf peut-être la douce Moi, Elsie en rappel qui nous sommait à une écoute religieuse, ainsi que les adieux de l’artiste qui débordaient de tendresse.