Les fans de la chanteuse belge Angèle, 24 ans, ne reviennent toujours pas de la
chance inouïe qu’ils ont eu samedi soir à l’Impérial Bell d’apprécier ce phénomène de la
musique pop franco dans un lieu tout aussi intime. Et les fans ou les curieux l’ayant
manquée s’en voudront toute leur vie.
Angèle, compositrice-interprète et vedette d’Instagram, est le buzz du moment dans la
francophonie. À la fin de 2018, huit des chansons de son premier album intitulé Broll
(jargon belge signifiant le désordre, le bazar… l’équivalent de notre « bordel » bref),
sorti en octobre 2018 là-bas et en mars dernier ici, figuraient dans le top 10 du
palmarès des 100 meilleures chansons en France. Elle remplit à pleine capacité des
salles comme le Zénith à Paris pendant des mois. Et lors de son passage aux Francos
de Montréal au lendemain de son happening à Québec, elle a fait l’annonce d’un
spectacle au Centre Bell le 13 décembre prochain.
Un phénomène dit-on? On avait longtemps vu une folie aussi grave sur la scène pop
franco depuis des lustres. On fait référence ici à une folie comparable aux Roch
Voisine, Patrick Bruel et Vanessa Paradis. Pendant l’entracte, les fans entassés
comme des sardines dans l’enceinte de l’Impérial, majoritairement adolescentes et
jeune vingtaine, scandaient activement son nom. Au terme de chaque chanson qui
servait l’attente, des cris stridents retentissaient de toute part. Et lors de la baisse des
lumières pour lancer le début du spectacle, on a cru avoir affaire à Justin Bieber tant les
cris enthousiastes assourdissaient nos oreilles.
Mais Angèle sait se faire désirer. Ses musiciens, un batteur et un claviériste/beat-
boxeur avaient le mandat de faire grandir le momentum avant l’entrée en scène de
l’idole en nous servant une longue intro électro-pop franchement intéressante. Et puis la
voilà; Angèle qui se pointe marchant des coulisses toute souriante, simpliste, vêtue d’un
maillot sport Adidas, des pantalons de nylon et des baskets, digne retour aux looks des
années 90. Elle entreprend aussitôt La thune, une de ses chansons engagées avec
Balance ton quoi, et est aussitôt accompagnée par l’immense chorale flanquée devant
elle qui hurlent les paroles entre-semées de cris perçants. L’hystérie, on vous dit!
Pendant tout le spectacle, cette marée féminine jonchant le parterre ne cessera jamais
de crier les mots des chansons. À part peut-être pendant les moments où Angèle se fait
plaisir en rendant hommage à son amour pour les chansons françaises classiques qui
sont, de son aveu, de grandes sources d’inspiration pour elle. Elle interprète tantôt
seule avec son clavier, tantôt assise sur un tabouret, deux tubes des décennies
passées, même si cette initiative égarent les brebis: Mon amie la rose de Françoise Hardy et T’es beau de Pauline Croze. Elle ramène vite l’attention de son troupeau en fin
de course en ajoutant à ces deux reprises, ses touches signatures qui transforment
l’arrangement classique en son dance-pop séquencé qui lui est propre.
Celle qui a été sacrée révélation de l’année aux derniers prix Victoire en France manie
son public au doigt et à l’oeil avec une candeur et un charme désarmants. La foule est
2000 % réceptive à tous ses gestes et interactions. Quand Angèle saute, la foule saute,
lorsqu’elle balance les bras dans La loi de Murphy, la chanson qui l’a fait connaître de
l’autre côté de l’océan en 2017, la foule les balance aussi. Angèle lui fait même faire
des coeurs avec les mains afin qu’elle puisse s’offrir un selfie spectaculaire qu’elle
publiera plus tard sur sa IG Story. Elle y va même de quelques petits québécismes pour
achever les plus dédiés.
Le show a vraiment tout pour plaire. D’abord, l’album Broll et tous ces hits en live est
d’une excellence supérieure; ensuite des paroles en anglais et en français qui font
toujours le bonheur d’un jeune auditoire et un groove de maître qui s’avère tout à fait
contagieux et irrésistible. Vocalement, la chanteuse est en pleine possession de ses
moyens, toujours en directe et en parfait contrôle. C’est un bonheur de l’entendre
pousser la note. Sa présence sur scène est hypnotique, car elle bouge tout le temps et
très bien, autant en synchro avec les quatre danseuses qui la secondent, autant seule
arpentant chaque centimètre carré de la scène. Les numéros sont réglés au quart de
tour, même lorsqu’on entre et sort son clavier rouge. Le contact avec ses fans est
perpétuel et généreux, lui adressant la parole entre chaque pièce. Pour nos lecteurs qui
n’ont pas encore été frappés par le raz-de-marée qu’est Angèle, nous dirions que la
facture totale s’apparente un peu à l’autre coqueluche de l’heure, américaine celle-là,
en la personne de Halsey par le timbre de voix et la façon de se présenter sur scène.
C’était le triomphe samedi à L’impérial. Il est clair que le jeune public a trouvé en la
Belge et belle Angèle un nouveau modèle à suivre, positif et franc, sensible et réceptif
aux problèmes actuels de monde occidental. Honnêtement, c’est rassurant et
rafraîchissant de voir la génération s’accrocher à un modèle aussi fort.
Nous sommes
loin de Tout Oublier!