Philémon Cimon – « Pays »

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Bélugas, mélodies aux airs de vieilles comptines, bruits de paquebots, accompagnements sobres, complices et tout en acoustique, éclats de rires, textes au goût de terroir: avec son quatrième album, Philémon Cimon trace les contours de son « Pays », celui qui prend racine dans les forêts denses de Charlevoix et dans la mémoire de nos vieux.

Plusieurs y entendront d’emblée le changement de cap effectué par l’auteur-compositeur-interprète, qui assume dès les premières pièces une approche quasi-archivistique et une facture épurée, à l’image du cinéma direct de Michel Brault et de Pierre Perrault. Laissant les histoires de coeur à l’arrière-plan, « Pays » semble néanmoins enrubanné de silencieuses déclarations d’amour envers ces racines qui nous constituent et qui menacent de tomber dans l’oubli.

C’est que s’énonce, dès Les pommiers envahis, la question centrale :

Je cherche un pays à nommer
Je veux me nommer

La parenté, les souvenirs d’enfance et les histoires de pêche au marsouin viennent donc peupler les textes de Cimon. Au coeur de ces images de brumes et de blancs manteaux se tient Lucile Cimon, qui prend une place centrale dans cette oeuvre. Elle a non seulement contribué à l’album de par les heures d’enregistrements sur sa vie dont le petit-fils s’est inspiré, mais aussi grâce à ses interventions, conservées telles quelles entre les chansons. L’album se termine d’ailleurs sur Les Éboulements, que la grand-même nous souffle avec tout son coeur. Si au début l’on se sent chavirés et presque repoussés par sa voix brisée et haletante, on s’attache finalement à la beauté de sa mémoire et à son espièglerie sans âge. Tout l’album, d’ailleurs, se fraye discrètement une place dans le coeur au fil des écoutes.

Entre la poésie évocatrice de Charlevoix ventre infini et la mélodie folklorique de Ma mère au nord, Philémon Cimon glisse tout de même quelques titres contrastants: il y a d’abord une version bien personnelle de Ça va ça va, composée pour Lou-Adriane Cassidy, et puis l’ensoleillée Latte Chumey. Dans cette dernière, c’est la ville qui reprend timidement ses droits avec ses vélos, ses lattés, ses histoires de coeur et ses taxis. Jésus rouge Jésus noir, quant à elle, ramène pour un temps les guitares électriques et les airs accrocheurs. Puis c’est le retour des bateaux et des montagnes, qui reprennent le rôle principal.

Or, si l’album prend ses racines dans le passé, il me semble qu’on ferait une erreur en le qualifiant de nostalgique. En effet, la force de Philémon Cimon sur « Pays », c’est qu’il est parvenu à faire dialoguer les époques et les espaces de façon on ne peut plus actuelle. Au fil des pièces, les airs d’antan s’amalgament avec le folk bien personnel de Cimon alors que l’on passe subrepticement de Charlevoix à Montréal. Les images se superposent et l’identité du pays prend forme. Comme le cycle des saisons, ces allers-retours semblent permettre à celui qui les fait de mieux s’orienter dans le futur, ce qui fait de « Pays » non pas un retour en arrière, mais bien un album Pour la suite du monde.

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