Taylor Kirk, le compositeur derrière le projet Timber Timbre, nous a habitués à enrichir ses sonorités au fil des albums. Il faut dire que s’il jouait quasi solo sur ses trois premiers disques, tout ça s’est transformé en projet à géométrie variable formant un solide noyau avec le multi-instrumentiste Simon Trottier (Fontarabie, Avec Pas d’Casque) et le claviériste Mathieu Charbonneau (Avec Pas d’Casque, The Luyas et Torngat). S’ils en sont déjà à leur troisième album ensemble, c’est le premier sur lequel ils font un virage important. Les guitares aux accents désertiques font place à des sonorités plus urbaines; on nous transporte tantôt au coeur d’une ville en déchéance, tantôt dans un petit village glauque. La musique prend une teinte très eighties et tend, avec les mélodies sombres de Kirk, à évoquer l’univers de David Lynch, en particulier la musique d’Angelo Badalamenti pour Twin Peaks.
La pièce d’ouverture, aussi premier extrait de l’album, Velvet Gloves & Spit, est un parfait exemple de cette atmosphère. Ensuite, la très « Bowiesque » Grifting est une réussite, avec sa ligne de clavier à contretemps. Musicalement c’est ce qui s’éloigne le plus du son habituel de Timber Timbre; mais c’est bien incarné et la pièce donne un souffle à l’album. L’instrumentale Skin Tone et la pièce Moment nous replongent dans l’esthétique des années 80, avec en prime une voix robotique qui vient appuyer l’accrocheur refrain. Je saisis mal l’amour que porte de nombreux créateurs actuels pour cette période sombre de la musique (je dis ça malgré l’avénement essentiel de Jesus & Mary Chain, Pixies et Joy Division, entre autres), mais je dois admettre que Timber Timbre le fait plutôt bien et que ça injecte une certaine fraîcheur dans le projet. Les moments les plus forts surviennent en milieu de parcours, d’abord avec la langoureuse Sewer Blues, puis surtout avec Western Questions, qui est possiblement le morceau le plus proche du son habituel du groupe. Si l’effet vocal sur la pièce Moment fonctionne bien, la pièce Bleu Nuit, malgré sa musique irrésistiblement dramatique, peut rendre perplexe par l’utilisation agressive d’un filtre sur la voix du chanteur.
Côté paroles, on sent une désillusion poétique face à l’état du monde actuel et aux chances de s’en sortir. Ce n’est pas particulièrement optimiste, mais ça semblait nécessaire et c’est cohérent tant l’écriture ne semble pas forcée. Dans Western Questions, cette tendance à la poésie politique est particulièrement criante :
Western questions, villages moving, the visitor sailing in
Drifters, grifters, spanning sifters looking for a flash in the pan
International witness protection through mass migration
The imminent surrender of land
Tucked in safety at the counter of a luxury liner with a noose in my hand
Au final, l’amateur fidèle se retrouve avec un album qui présente une nette évolution dans le son du groupe. Le mélomane le plus récalcitrant réussira aussi probablement à apprécier le clavier cheesy grâce au son qui s’inscrit dans un univers plus sombre et inquiétant. D’ailleurs, impossible de passer sous silence la puissance évocatrice du titre : Sincerely, Future Pollution. Wow!
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