Il y a de ces formations bigarrées et intenses qui incarnent l’urgence de vivre avec un certain esthétisme. La troupe garage-punk montréalaise Red Mass en est un bon exemple et elle s’amène avec un nouvel opus fort surprenant qui prouve qu’il est possible de se réinventer et de garder ce qui fait leur succès, soit une forme d’énergie brute qu’ils déploient autant sur disque que sur scène. Pour ceux qui ont déjà suivi de près ou de loin la formation menée par Roy Vucino (CPC Gangbangs, Birds of Paradise, PyPy), les titres réunis ici surprennent principalement pour deux raisons. D’abord, les vocaux de ce Rouge No2 EP présentent des textes écrits dans la langue de Molière, ce qui n’est peut-être pas une première mais n’est certainement pas l’apanage de cette formation habituellement anglophone. Ensuite, différents styles viennent garnir le corpus d’influences thématiques et musicales de Red Mass, dont le nom fait maintenant penser autant à une masse (comme une masse de gens) qu’à une messe (ce phénomène culturel catholique du dimanche, habituellement…) qui prend plus des allures satanistes, comme en témoigne la pochette du disque d’ailleurs.
Les sonorités rétros ajoutées rappellent parfois des styles comme l’industriel avec une tournure métal, le new wave, le cold wave et le post punk, mais on garde aussi souvent un côté assez rock, très abrasif, lo-fi… garage quoi. La pièce « Possession » ouvre le bal, ou la danse macabre, avec brio, mettant tout de suite cartes sur table question de style, les paroles en français sont pro éminentes et agressives, les thèmes bien amenés, les images fortes. La batterie semble être un drum machine et le riff très répétitif rappelle presque Bérurier Noir, mais avec un beaucoup plus vaste registre sonore et rythmique ainsi que plus de métal dans les riffs. La pièce suivante, « Noir et blanc » ressemble plus à du Red Mass typique, mais toujours avec des vocaux en français. Les pièces continuent en alternant entre des tempos plus lents et rapides, comme sur la très stylée « Confession d’un Chacal », qui rappelle l’énergie d’Ed Schrader’s Music Beat, au tempo plus lent et dramatique et aux vocaux proéminents, qui cède sa place à « Infidèle », qui commence dans le prélart à la fast-punk ou trash-métal et qui varie assez dramatiquement par la suite vers des sons plus proches du noise adjoints de spoken word. Le punk-rock-psyché revient ensuite sur « KDAVR » alors que « Après Moi le Déluge » donne plutôt dans le rock commercial avec une tournure décalée.
Au final, l’EP est assez satisfaisant pour mériter plusieurs écoutes dans différents contextes, à la fois festifs et sombres, comme le EP d’ailleurs, qui présente un visage polymorphe mais en même temps étrangement cohérent. L’étendue des styles couverts permet d’espérer davantage d’expérimentations sonores pour le groupe, mais aussi, la réalisation du potentiel de certaines des avenues empruntées ici à toute vitesse.
Lien pour aller vivre ça en personne sur le bandcamp de leur étiquette, Slovenly: https://slovenly.bandcamp.com/album/red-mass-ep-rouge-n-2-12 Pour aller vivre ça encore plus en personne à Montréal, leur lancement: https://www.facebook.com/events/1523699927934998/]]>