Kendrick Lamar
To Pimp a Butterfly (Interscope)[/caption]
C’est dans un chaos total que Kendrick Lamar lance son troisième album solo en carrière. Il était attendu depuis septembre 2014, date prévue. Repoussée, ensuite devancée, nous l’avons enfin écouté… et apprécié! To Pimp a Butterlfy est le troisième album du petit Kendrick, rappeur du désormais célèbre label Top Dawg Entertainment. La barre était haute, car son précédent effort, Good Kid Mad City, s’était classé au sommet des palmarès des dernières années. A-t-il réussi à surmonter cet obstacle? Certainement!
C’est dans le but de se réinventer que Kendrick Lamar nous revient. Changement complet de style, nous quittons le rap plus traditionnel pour du rap plus jazz et funk. C’est cet esprit très Nouvelle-Orléan et Afro-américain traditionnel qui règnera sur l’album. Ce sont 16 pièces, totalisant plus de 1 heure et 20 minutes, qui composent cet album. Dès les premières notes de Wesley’s Theory nous sentons que cet effort nous fera voyager. Nous sentons la dénonciation politique que Lamar a toujours intégrée dans ces textes. Parlons en justement des textes. Souvent une des variables les plus importantes d’un album rap. Kendrick Lamar donne toujours une importance capitale aux propos de ses chansons. Il a lui-même dit que son album était dans le même état d’esprit du climat de tension raciale qui fait rage aux États-Unis en ce moment (en faisant référence aux tragiques événements de Ferguson). Divergences politiques, racisme, égalité sont tous des sujets abordés avec une fougue sans précédent. Nous sommes loin des clichés misogynes, sexuelles et droguées que le rap peut nous avoir habitués au cours des dernières décennies. Nous avons devant nous un parolier engagé.
Le Spoken Word est aussi présent. Il a pour but de nous rappeler les talents de parolier du rappeur. Les pièces These Wall et I sont parfaites pour illustrer cet esprit. Lamar nous parle, sans musique, sans aucun rythme, seulement son poème, son implication politique, sa vie.
Kendrick Lamar sait bien s’entourer. Il y a une belle brochette d’invité, issu de divers univers musicaux très distincts, sur cet album. À première vue, ils sont trop nombreux, mais ils sont si bien dosés qu’ont n’y voit que du feu. Qui sont-ils? Pharrell Williams, Flying Lotus, Dr. Dre, Snoop Dog, Thundercat, George Clinton et la liste continue sans fin. Certains sont issus du milieu du rap, d’autres du jazz et d’autres du gospel. D’autres parts, certains agissent en temps qu’invités, d’autres sont producteurs et d’autres sont seulement échantillonnés. Les échantillons, quels couteaux à double tranchant. Parfois bien utilisé, parfois trop envahissant, dans le cas de Lamar, ils sont présents pour notre plus grand bonheur. Ils viennent appuyer les propos du rappeur. On ne se contente pas de seulement échantillon des succès des années 70, nous avons aussi des extraits d’entrevues, de discours politiques, de manifestations, etc. C’est magnifique.
Il y a quand même de superbes pièces rap, dans un sens plus traditionnel, sur cet album. Les chansons u, i et The Black The Berry en sont de bons exemples. La pièce U ressemble beaucoup à l’esprit qui régnait sur le deuxième album de Lamar, Good Kid Mad City, album mainte fois primé par la critique. The Blacker The Berry et I ont agitent à titre de simples officiels jusqu’à maintenant, avec raison. Ce sont de sublimes oeuvres dénonciatrices avec des rythmes déchainés. Les talents de rappeur de Lamar sont maintenant mit de l’avant.
Comment bien conclure cet album rap jazzé très afro-américain, quoi de mieux qu’une pièce de 12 minutes intitulée Mortal Man. Le jeune prodige nous rappelle l’histoire des États-Unis et des Afro-américains. Il nous résume tous les propos qu’il a sans cesse dénoncés depuis plus d’une heure. Il parle aux gouvernements, aux peuples, à ses frères et soeurs, à tous ceux qui veulent bien écouter ses revendications et ses idées. Il rappelle è tous que rien n’est acquis et qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour avoir l’égalité entre les noirs et les blancs. Un discour hautement d’actualité encore en 2015. La dernière moitié de la pièce est en Spoken Word, parsemé de certains discours politiques qui ont changé le monde moderne. La métaphore du papillon est maintenant élucidée, à la dernière seconde, sans vouloir en dire plus, pour vous laisser découvrir par vous-même.
N’en plaise aux puristes, cet album réinvente le rap comme seuls quelques grands rappeurs ont su le faire. La culture Afro-américaine est très présente, et d’une belle façon. Il représente un peuple entier sans aucun stéréotype ni faux pas. Kendrick Lamar représente maintenant le rap. Il est la figure du rap d’aujourd’hui et de demain.
https://www.youtube.com/watch?v=8aShfolR6w8 Kendrick Lamar sera en spectacle au festival Osheaga du 31 juillet au 2 août 2015, à Montréal. ]]>