Entrevue : Grand Morne Je me suis dis que pour Envol & Macadam, ça vaudrait la peine de faire une petite entrevue avec un band local. J’ai donc décidé de me gâter : Grand Morne étant, à mon avis (avec Millimétrik) l’un des efforts musicaux les plus intéressants de la Vielle Capitale, je me suis entretenu avec Max, le bassiste du groupe. Voyons ce que ça donne : [caption id="attachment_12226" align="alignnone" width="500"] crédit photo : Jay Kearney[/caption] O : D’abord salut Max de Grand Morne, merci d’avoir accepté de piquer une jasette avec moi. Je voudrais pas paraître vieux jeu mais je vais devoir te poser des questions bien bien banales pour commencer. Faut dire que c’est pas comme si y’avait quelque part sur le net quelque chose comme une « biographie » de votre groupe … la seule chose que vous semblez dire de Grand Morne c’est qu’il s’agit d’un band, et je cite : « INALTÉRABLE ÉNIGMATIQUE POUILLEUX VOLATILE [&] HEAVY ». Je ne peux que vous donner raison sur « énigmatique » et « heavy », mais je me doute bien que cette description n’est pas à prendre trop au sérieux ou du moins, qu’elle ne résume pas le tout de l’affaire. Bref, je me permet un peu de voyeurisme pour vous demander : d’où ça sort Grand Morne ? De quoi c’est parti ? C’est quoi l’histoire (tous les bands en ont une non?) derrière votre musique ? Max : L’histoire de Grand Morne est relativement simple, nous sommes trois boys de la région de l’amiante ayant fréquenté le même établissement scolaire. Bien des années plus tard notre passion pour la musique heavy nous a réunis et voici le résultat. Faut dire que nous avons eu un groupe avant qui se rapprochait plus d’un [groupe] punk garage francophone. Nous avons roulé notre bosse pendant quelques années et ensuite nous avons simplement splitté. Michel à décidé de partir son band Les Indiens et nous trois avons continué sous le nom de Grand Morne en accentuant le côté heavy. Je dois souligner que le Grand Morne en soi est un montagne située dans la région de l’amiante, un des rares vestiges des fonds océaniques existant il y a plus de 500 millions d’années. Les couches de laves basaltiques formant le Grand Morne sont plus qu’une simple « symbologie » pour nous. O : Parlant de votre musique, celle-ci tient résolument du « stoner ». Ça ne serait pas lui rendre justice cependant que de s’en tenir à ce seul qualificatif. J’ai été surpris à l’écoute de votre album éponyme de retrouver des sonorités thrash, doom, death et même prog. J’imagine que pour jouer dans un registre aussi varié il faut être pas pire mélomanes ? M: Je dois t’avouer que je trouverais fort déplaisant d’être confiné au stigma du « stoner » métal. Nous sommes fans de tout sorte de musique heavy en général et je crois important de ne pas se limiter aux contraintes d’un genre en particulier. Il n’y a rien de mal bien sûr à vouloir jouer dans un registre précis, mais je ne crois pas que c’est le cas avec Grand Morne. L’important est que les compos nous plaisent en premier lieu. Donc, aucun problème de notre part de juxtaposer un riff thrash à un plan Doom, à condition bien sûr que ça colle et que l’ensemble nous donne le goût de nous arracher la tête. [caption id="attachment_12224" align="alignnone" width="500"] crédit photo : Jay Kearney[/caption] O : Quelles sont vos sources d’inspiration ? Et quel genre de processus créatif se joue derrière votre musique ? M : Notre processus est assez typique je crois. Nous trois face à face dans notre petit local suintant à s’acharner avec des gros riffs sales. La bonne vieille méthode quoi ! Pour ce qui est de nos influences, je crois qu’elles sont assez variées, mais nous ne pouvons passer l’occasion de mentionner nos héros québécois VOIVOD et aussi les MELVINS qui est sans doute le groupe donc nous pouvons nous entendre le mieux comme étant un influence. Leur excentricité et le «je m’en foutisme » qui se dégage de leur imposante discographie est plus qu’inspirant pour nous. O : Parlant de votre premier disque, vous avez sorti celui-ci en 2013 et fait paraître une nouvelle pièce sur votre bandcamp en avril 2014. J’ai cru comprendre en parcourant votre page facebook que vous travaillez sur un second album. C’est pour bientôt ? M : En fait nous travaillons présentement sur un EP qui va paraître avant l’album. D’une durée de plus de 20 minutes, ce mini-album servira d’appetizer à l’album qui devrait paraître fin 2016. Nous travaillons présentement avec Ralp Malenfant qui a fait en autre l’excellent album de nos potes de Sandveiss. Nous avons aussi en tête de partager un split avec le groupe de Québec Crackgate. Bref, il y a plusieurs projets dans l’air pour l’instant, mais une chose certaine est que le EP va paraître dans les prochains mois. Sinon, nous allons continuer l’aspect visuel du band avec nos projections live, mais aussi avec un clip qui devrait paraître en parallèle avec la sortie de l’album. O : À quoi on peut s’attendre de ce deuxième Opus ? M : L’album sera sans aucun doute plus varié, nous voulons explorer des composantes que nous n’avions pas vraiment touchées jusqu’à maintenant. Sans changer la dynamique de Grand Morne, nous avons juste poussé nos idées à un autre niveau. Il y aura aussi quelques guests sur l’album dont au moins un qui saura prendre plusieurs par surprise. Malheureusement, je ne vais pas spoiler le punch mais chose certaine, nous sommes tous excités à l’idée de travailler avec d’autres musiciens qui ne sont pas nécessairement encrés dans le milieu métal. Je crois que c’est important pour nous de ne pas se limiter et d’explorer et ainsi inviter des amis à collaborer avec nous. O : Vous vous produisez de temps à autre sur les scènes de Québec : vous avez participé aux Nuits Psychélédiques et au Festival Off et vous vous produirez ce week-end à l’occasion d’Envol & Macadam (sauf erreur, c’est votre deuxième fois à E&M). Avez-vous l’ambition de faire sortir Grand Morne de la Vielle Capitale prochainement ? M : Avec les contraintes de la vie, c’est tough de réaliser tout ce qu’on voudrait, mais OUI nous avons bien l’intention de sortir de Québec. Avec la venue de l’album, cela va nous botter le cul à aller casser les oreilles au gens des autres régions. [caption id="attachment_12225" align="alignnone" width="667"] Crédit photo : Jay Kearney[/caption] O : Difficile de ne pas avoir l’impression que le groupe à un gros « UNDERGROUND » d’étampé dans le front (pour autant qu’un band puisse avoir un front … pardonnez les figures de style ratées). Y’a-t-il quelque chose comme une appartenance au milieu underground ? Comment percevez-vous ce milieu à Québec ? Y a-t-il encore, selon vous, quelque chose comme de la musique underground, avec les nouveaux moyens de diffusion notamment ? Est-ce que c’est important que Grand Morne demeure, à un certain point, un band underground ? M : Nous avons partagé le stage autant avec des bands hardcore que death metal et l’idée de scène underground n’est pas vraiment une chose à laquelle nous pensons. Je vais même te dire franchement que l’étiquette underground pour moi est plus un fait inévitable qu’une idéologie à atteindre. Avec le style de musique que nous jouons, mes attentes sont plutôt réalistes envers la portée que peut atteindre Grand Morne. Nous préférons jouer devant une poignée de personnes qui saisiront vraiment notre band que devant des tonnes de gens qui ont aucune idée de quoi faire avec un band heavy instrumental. Cela dit, je ne voudrais jamais nous limiter à un public cible. Le fait d’être un band underground est plus une réalité qu’un but à conserver pour nous. Évidemment, c’est toujours le fun de performer devant de nouvelles personnes et c’est ainsi que nous entrevoyons la chose, un fan de gagné à la fois. De nos jours, ya tellement de bands qu’il est important de ne rien prendre pour acquis. L’important pour nous est de nous donner à 100% live et de se faire du fun. L’idéal reste tout de même de graviter autour d’autres bands appartenant à notre genre. O : Un mot pour la fin ? M : J’aimerais te remercier de prendre le temps de faire cet entretient avec nous. Comme nous en avons discuté ensemble, c’est toujours le fun de donner de l’exposure à de plus petit bands de la Vieille Capitale. Sinon, soyez à l’affut car plusieurs projets de Grand Morne devraient voir le jour sous peu. Peace. O : Merci Max ! Québec, septembre 2015 ]]>
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[ENTREVUE] Viet Cong
Votre album éponyme est plutôt court, vous êtes vous restreint intentionnellement? Non, nous avons suivi le rythme de nos chansons. Nous en avions quelques autres qui ne correspondaient plus à la direction que nous avons prise avec l’album. Ceci étant dit, j’aime les albums plus courts et j’ai été très satisfait de sa longueur à la fin du processus. Vos paroles sont très intéressantes, vous utilisez souvent des thèmes et des constructions inhabituelles, quel est votre processus habituel, si vous en avez un? Je tire souvent nos paroles de conversations, ou d’observations sombres sur l’état des choses. Mais on doit tout prendre avec humour bien sûr. [embed]http://https://www.youtube.com/watch?v=hdMz7BUtOvk[/embed] Les années 70 et 80, avec Bowie, Bauhaus, New Order et compagnie, semblent vous influencer beaucoup. Vous avez d’ailleurs couvert Dark Entries de Bauhaus sur Cassette. Comment est-ce que ça influence votre composition? Y a t’il d’autres influence que mes lecteurs pourraient ne pas connaître? Je ne sais pas exactement comment ça peut m’influencer, mais c’est vrai que nous écoutons beaucoup de musique de ces périodes et c’est certain que ça paraît dans nos chansons. Pour ce qui est des autres influences, nous aimons tous beaucoup This Heat. J’y retourne souvent et je trouve toujours quelque chose de nouveau, que ce soit dans la voix, l’instrumental ou dans la production. Ils ont fait deux albums, un EP et deux sessions en direct. Tout le monde devrait assurément les écouter et les découvrir. J’écoute aussi beaucoup de vieille musique de synthétiseurs avant-garde et ça affecte beaucoup notre écriture dernièrement. [embed]https://www.youtube.com/watch?v=4LZIE9FfzGs[/embed] Vous faites beaucoup de blagues sur scène pour un groupe aussi sombre! Êtes vous plutôt sérieux et sombres dans vos vies de tous les jours? Non, pas du tout! Je dirais que nous sommes de gens biens et amusants? Les blagues nous représentent définitivement mieux que notre musique! Vous jouez à Québec ce lundi, comment vous sentez vous face à la scène musicale canadienne et de la place du Québec dans celle-ci? J’aime toujours aller à Québec, la ville ajoute vraiment quelque chose de spécial au Canada. C’est génial d’avoir deux villes aussi différentes que Québec et disons, Calgary ou Vancouver, dans le même pays. Pour ce qui est de la scène, je crois que l’entre influence et le mélange de différentes cultures créé un paysage musical très diversifié. Vous faites la tournée avec Greys, qui me semblent très intéressants, comment pourriez vous convaincre mes lecteurs de venir les voir ou d’acheter leurs albums? Ils doivent vraiment venir les voir, ils seront conquis immédiatement! [embed]http://https://www.youtube.com/watch?v=WFoDHNJCFXI[/embed] Ne manquez pas Viet Cong et Greys ce lundi au Cercle! ed.ca y sera c’est garanti! <3]]>
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[ENTREVUE] La Bronze
La Bronze – Photo : Marion Desjardins[/caption] Ce samedi, 20 heures, au Palais Montcalm, Nadia Essadiqi et ses camarades vous invitent à assister au spectacle de La Bronze, que les membres de l’équipe d’ecoutedonc.ca ont pu voir à quelques reprises au cours de la dernière année. La Bronze, c’est de la pop cool, sensuelle, un brin féline, rythmée à souhait et parfaitement ludique. On a même parfois l’impression d’avoir une version happy et dansante du trip-hop! Une bibitte originale sur nos scènes québécoises, qui prend petit à petit sa place… à plein de places! D’ailleurs, à son dernier passage (Festival d’été), Nadia s’est fait plein de nouveaux fans! Présentée juste avant Lights dans un Impérial Bell bien chaud, elle avait mis la barre bien haut pour l’Ontarienne avec une prestation énergique au cours de laquelle La Bronze avait la bougeotte! Là-haut, sur la galerie de la presse, on avait bien aimé. [caption id="attachment_5929" align="alignleft" width="300"] La Bronze – Photo : Marion Desjardins[/caption] Ça valait la peine de piquer un brin de jasette avec l’auteure-compositrice-interprète-comédienne-dramaturge pour en savoir plus sur le spectacle qui s’en vient. Tout d’abord, je lui fais remarquer que son album aura un an la semaine prochaine (le 17). « C’est vrai », me répond-elle d’un air surpris, « t’as raison! » Que pense-t-elle de l’accueil qu’elle a reçu et du chemin parcouru avec l’album depuis? « J’avais pas vraiment d’attentes, mais il s’est passé tellement de belles choses depuis! On a fait des super shows, on a rencontré de super belles personnes, mon album a bien vécu, je suis vraiment ravie. » Ceux qui suivent le fil Facebook de l’artiste savent que La Bronze s’était terrée dans le bois, loin de tout, pour faire un petit camp d’écriture, question de préparer un prochain album qui semble vouloir arriver plus tôt que tard. « On planche là-dessus », me répond Nadia, « on devrait enregistrer ça cet hiver. » Un album probablement dans la même veine, mais qu’elle espère une coche au-dessus du premier. On parle un peu de sa dernière présence, des réactions positives que sa dernière présence au FEQ a suscitées. C’est quoi, le plan de match, quand on fait face à des gens qui ne nous connaissent pas et qu’on les gagne un par un? Sans hésiter, Nadia me répond qu’il n’y a pas de plan de match, qu’elle veut juste donner le meilleur show possible en donnant le meilleur d’elle-même et en nous faisant passer un bon moment. https://youtu.be/55-BtrxXXfM Parlons de son spectacle de samedi : est-ce qu’elle a déjà vu la première partie, Anatole (ce vil personnage à cause de qui nous avons presque été obligés de déclarer la guerre totale à Google)? « J’ai déjà vu des vidéos et j’ai beaucoup aimé ce que j’ai vu. Je le trouve vraiment éclaté, il a une belle vibe, puis j’ai très hâte de le voir live. » Nous, on le sait, ça sent le coup de foudre musical entre le squelette dandy le L.A.moilou et la charismatique Nadia. Pour ce qui est de sa propre prestation, si vous aimez l’album de La Bronze, vous serez servis : « On va jouer presque l’intégralité de mon album pis on va faire plusieurs surprises. » Chanceux, vous pourrez entendre des exclusivités et des nouvelles chansons qui n’ont jamais été jouées devant public! [caption id="attachment_5920" align="alignright" width="300"] La Bronze – Photo : Marion Desjardins[/caption] Parlant de chansons qu’elle fait en spectacle, on a eu l’occasion d’entendre La Bronze une version toute personnelle de Formidable (réarrangée et traduite en arabe), de Stromae, qui n’est pas passée inaperçue lors de son passage au FEQ. Est-ce qu’on va pouvoir réentendre cette chanson-là un jour? « Complètement, c’est dans les plans, ça va sortir sous peu! » En attendant, il ne vous reste qu’à mettre vos souliers les plus confortables pour danser et aller chanter/danser avec La Bronze ce samedi. Bien entendu, nous serons là, des fois que vous manqueriez le show. Mais tenez-vous vraiment à vous contenter d’un résumé et de jolies photos alors que vous pouvez aussi avoir le spectacle dans une salle qui permettra aux artistes de la soirée de se promener comme bon leur semble? LA BRONZE + ANATOLE Palais Montcalm samedi 12 septembre, 20 heures 13 $ – Détails]]>
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[ENTREVUE] Rudy Caya (Vilain pingouin)
Mise en contexte [caption id="attachment_11376" align="alignright" width="300"] Photo : Adrien Le Toux[/caption] On sortait d’une période plutôt sombre sur le plan musical au Québec. Oui, les « grands esprits » Paul Piché, Michel Rivard et Richard Séguin ont tenu le fort, même Pagliaro faisait encore des albums, mais les jeunes, eux, s’étaient tournés vers les Américains, les Britanniques… et les Français. Pendant que notre scène était encore imprégnée du rock et du folk des années 1970, le reste de l’Occident sortait du New-Wave et entrait à pieds joints dans la dernière décennie du 20e siècle. En même temps que les Nirvana, Nine Inch Nails et autres groupes qui allaient changer la donne. Une fois de plus. Heureusement, de jeunes artistes québécois avaient faim et ils voulaient jouer de la musique comme ils en entendaient quand ils allaient aux Foufs ou à la Fourmi. Jean Leloup et sa Sale affaire nous contaminaient avec leur folie. Daniel Bélanger proposait une relecture moderne du folk-pop (il le propulsera plus tard dans un Spoutnik). Les Parfaits Salauds débarquaient avec leurs cuivres. Et il y avait ce groupe que j’ai aimé beaucoup dès que j’ai entendu Le train et Salut salaud pour la première fois : Vilain pingouin. Le premier album (homonyme) avait pris bien des gens par surprise en raison de sa qualité et de son originalité, tant du côté des textes que de la musique. D’un côté, les textes étaient particulièrement engagés et collaient parfaitement aux préoccupations des jeunes de l’époque : le racisme, le suicide, la politique, le mal de vivre, tout y passe. Les X et les Y se sentent enfin interpellés. Musicalement, la troupe de Rudy Caya et ses complices mélange joyeusement le folk-rock américain à la Springsteen et l’esprit festif des Pogues avec de nombreux éléments du rock alternatif français (on peut sentir l’influence de groupes comme Bérurier noir dans des chansons comme Régime de fer). Des instruments qu’on n’a aucunement l’habitude d’entendre viennent agrémenter les chansons du groupe : banjo, accordéon, cuivres accompagnent les guitares qui s’alourdissent sur Roche et roule, un des meilleurs albums de rock québécois des années 1990. https://www.youtube.com/watch?v=_n0nfHQVmxo C’est à la première montréalaise du groupe au vieux Club Soda, le 24 avril 1991, que j’ai commencé ma manie d’arriver des heures à l’avance pour avoir la meilleure place dans la salle (la bière sur le stage!). Je me souviens de ce spectacle comme si c’était hier. Un groupe nerveux en raison de la présence des nombreux médias, mais qui offrait un spectacle rodé au quart de tour (à l’époque, on tournait partout au Québec avant de triompher à Montréal…). Au rappel, une fois les médias partis (la fameuse tombée, celle qui n’existe plus aujourd’hui), Rudy s’est senti beaucoup plus à l’aise et le party, déjà bien pris, est devenu démentiel. J’avais 17 ans à l’époque.
Ça va?
Près de 25 ans plus tard, me voilà dans un café de Place d’Youville, assis en face d’un gars visiblement heureux d’être en vie et capable de faire encore ce qu’il aime aujourd’hui. Caya nous a fait une petite peur ce printemps, victime d’un AVC. « La réhabilitation suit son cours », me répond-il lorsque je lui demande comme va la santé. « Ça progresse plus vite que ce qu’on avait anticipé. Je suis patient à propos de certaines choses et moins patient sur d’autres. » Alors qu’on lui a dit qu’il aurait besoin d’un an pour être complètement rétabli, il fonctionne déjà très bien quatre mois après l’accident et il espère pouvoir se considérer rétabli dans deux mois. Les médecins lui ont dit que c’était sa tête de cochon et son mode de vie qui l’avaient dirigé vers l’AVC. La même tête de cochon allait travailler de pied ferme pour reprendre toutes ses forces. Sa tête de cochon. Rudy Caya aime la vie et il est prêt à se battre pour elle. « Je veux continuer encore longtemps. Je dis souvent que ma retraite, je vais la prendre au cimetière. »Du rock en français qui bûche? Oui, ça se fait!
Le show du 12 septembre prochain sera un peu spécial. Ce sera le jour du 25e anniversaire du lancement du premier album de Vilain Pingouin. Je dis à Rudy qu’il y a toute une génération de nouveaux fans à conquérir, des jeunes qui ne connaissent pas le groupe, mais qui ont la chance de vivre un boum créatif semblable à la période au cours de laquelle Vilain pingouin est apparu. « Je suis pas mal sûr qu’on vit un autre âge d’or du côté de la musique québécoise, présentement. Indépendamment de la langue. » Ce n’est pas parce qu’il a choisi de chanter en français qu’il a quelque chose contre l’anglais. « Mon grand-père est un Américain de Boston. Un Irlandais. Les trois quarts de ce que j’ai écouté étaient en anglais. J’ai appris à adorer le français parce que mon père était prof de français. J’aime les deux langues, mais je suis plus à l’aise en français parce que j’ai grandi dans une société francophone. » https://www.youtube.com/watch?v=njmDveiHzuo J’ai envie d’en savoir plus sur les influences de Vilain pingouin à l’époque. On sent autant Springsteen que la chanson française dans les chansons écrites par Caya. On remarque tout le métissage, tous ces instruments qui pouvaient nous sembler insolites parce qu’on avait perdu l’habitude de les voir. « Mes années formatrices musicalement, je les ai vécues dans un creux pour la musique québécoise », raconte Caya. Il ne restait à peu près plus qu’Offenbach. Caya, lui, préférait de loin Black Sabbath. « Au début du groupe, quand on nous demandait nos influences on donnait des réponses comme les Clash. Nos interlocuteurs insistaient : «oui, mais du côté francophone?» ». Trop jeune pour Beau dommage et Harmonium. Ça lui prenait quelque chose de plus heavy. La seule référence d’ici pour le jeune Caya, c’est un album en anglais de Pagliaro. « Un chef-d’oeuvre, aussi bon que le meilleur des Eagles ou des Allman Brothers. » Avec son groupe précédent, Les taches, Rudy va en France. Il y découvre La mano negra, Bérurier noir et plein d’autres. « OK, ça se fait! De la musique arrache comme j’aime, du punk, du metal qui brasse, mais avec une attitude. » Il trouve sur la scène française une subtilité qu’il ne retrouve pas sur la scène américaine. Les Français vivaient, cinq ans avant leurs cousins québécois, une belle période d’effervescence créative sur tous les plans. « J’ai signé avec Boucherie Records (la maison des Garçons bouchers). On allait aux partys de la Mano Negra, On s’est rendus compte que du rock en français, comme ma génération l’aime, c’est possible. » Même le nom Vilain pingouin est calqué sur l’approche française un objet, une qualité. Comme les Négresses vertes, par exemple.À quoi s’attendre le 12 septembre
[caption id="attachment_11377" align="alignleft" width="300"] Photo : Adrien Le Toux[/caption] On retourne à la raison première de cette journée de promotion à Québec : le spectacle que Vilain pingouin donnera au Cercle le 12 septembre prochain. Rudy Caya nous avertit : on va avoir mal à la tête! « Mets du Tom Waits pas trop loin, pis attends-toi de te lever pis d’être dans la brume jusqu’à au moins une heure, une heure et demie. » Aucun invité surprise n’est prévu, c’est le 25e de Vilain Pingouin avec… Vilain Pingouin. Ensuite, la tournée se poursuit. « Honnêtement, on n’a jamais arrêté. On a toujours fait 15-20 shows par année! C’est pas un retour des Pingouins. » Si on lui demande comment se déroulent les retrouvailles, Caya répond « pareil comme à toutes les années. » Le fait que la présente série de spectacles correspond avec le 25 anniversaire du groupe amène une plus grande visibilité, mais Vilain Pingouin a toujours été actif. Caya compose encore, il y a de nouvelles chansons sur l’anthologie (Les belles années, sur étiquette Pingouin Records), et il y en avait aussi sur l’album live paru au début des années 2000. Il aime bien jouer ses anciennes chansons, question de remercier son public pour la belle carrière qu’il a eue (et qu’il a encore, disons-le), jouer Le Train comme on s’y attend, nous voir sauter de joie en chantant, l’adrénaline que tout ça donne, mais il n’est pas nostalgique. Le chanteur avoue n’avoir aucun disque de Vilain Pingouin : « Mes enfants ont une copie du dernier vinyle, mais moi, j’en ai pas. » S’il apprécie le passé, il apprécie encore plus le présent et l’avenir. « Pourquoi vivre une moitié de vie pis la revivre après? J’en ai une complète, je veux la vivre au complet! » https://www.youtube.com/watch?v=QgE3-P2CZEQUn nouvel album, avec ça?
Tant qu’à parler de nouveautés, on parle d’un éventuel album complet : « Je vais sûrement préparer un album solo. Monter 12 chansons avec les Pingouins, avec nos jobs, c’est difficile. On y va à coup de quatre tounes. Comme on l’a fait avec l’anthologie. » Quand il se met en mode composition, Caya est all-in. C’est pour cela que le prochain album risque de ressembler à une compilation de sa participation à divers projets. Par exemple avec Bod’haktan. « C’est mes chums. J’ai envie de jouer avec eux, pas juste par marketing! » Caya est aussi un fan fini de Sandveiss. Du stoner en plein dans ses cordes. « Ce qui est le fun avec ces bands-là, c’est que leurs tounes sont bonnes, mais c’est le trip de chums que le monde va voir. Ils ont l’impression de faire partie de la gang. » Il parle aussi des Épicuriens, « un band de ska. On pourrait appeler le projet Rudy SCaya. » Il nomme aussi Fidel Fiasco et termine avec les Pingouins. Finalement, ça donnerait un album d’une douzaine de chansons avec quatre ou cinq groupes différents. « Et ça veut pas dire que je chanterais chaque toune, donner d’autres couleurs, c’est le fun! »Bon ben salut, salaud!
J’ai gardé mes questions les plus délicates pour la fin. Est-ce qu’il serait possible de sortir une chanson comme Salut, Salaud en 2015 et avoir le même effet qu’en 1990? Après tout, on en sait plus sur la dépression et d’autres maladies mentales responsables d’un bon nombre de suicides. Rudy reconnaît que ces maladies existent, mais si son regard était déjà perçant, on le voit s’animer comme il ne l’avait pas fait avant. Il me répond que l’effet aurait été le même parce que les gens se sont reconnus dans la chanson. « C’est une histoire qu’une fille m’a racontée, et j’ai mis en paroles et en musique les sentiments qu’elle a exprimés. » Quand les gens lui racontaient leur histoire, Caya ne comprenait pas vraiment, c’était une situation qu’il n’avait jamais vécue lui-même! « De façon dont on m’en parlait, j’avais l’impression que j’avais bien compris le message de cette fille-là. » https://www.youtube.com/watch?v=nB4eeAvh1_c Ces sentiments, il a eu l’occasion de les ressentir lui-même il y a trois ans quand le père de la meilleure amie de sa fille a commis l’irréparable. Dans le cercle d’amis de sa fille, il était l’autre papa-poule, celui qui faisait toujours des lifts aux filles pour s’assurer de leur sécurité. Quand il a fait ça, Caya a dit : « Mon tabarnak! T’as pas le droit de dire à ta fille que c’est une solution! J’accepterai jamais que tu rejettes tes problèmes sur les autres! » Réaction très forte, certes, mais si vous êtes passé par là, vous l’avez ressentie, ne dites pas le contraire. « Jamais je vais donner à mes enfants ce message-là, que le suicide, c’est la solution. C’est toute ma vie, pis n’importe qui qui oserait même penser leur faire du mal, il n’a aucune idée de la tempête! Impossible que je sois cette personne-là. » Te retourne pas, sur Roche et roule, est un peu le yang du yin qu’est Salut, salaud. Caya a une anecdote au sujet de cette chanson : « C’était à un genre de conférence de la SOCAN. On devait apporter une chanson et un panel en faisait la critique. On ne voulait pas brûler des tounes qui seraient peut-être un succès, on s’est dit qu’on allait prendre la moins hit dans le tas. On a pris cette chanson-là. On s’est fait dire «Ah, la structure est bizarre», pis là, Claude Rajotte a dit «Attention, c’est Vilain Pingouin, vous savez pas qui ils sont, je les ai eus comme invités et je vous le dis, le rock québécois est sur le bord de changer avec des bands comme Vilain Pingouin.» Wow, j’avais tellement de respect pour Claude, pis c’était le seul qui avait compris de quoi la chanson parlait. » Pour Caya, être normal dans un monde comme le nôtre, c’est pas normal. Avoir des problèmes, c’est normal, et comme de nombreux musiciens, il lui est arrivé de lancer ce genre de cri d’alarme. « Pour 90 % du monde, cette chanson-là leur est passée 100 pieds au-dessus de la tête. Les 10 % qui sont sensibles à ça, eux, l’ont compris. »Le droit de voter, c’est aussi (mais pas juste) le droit de chialer
On parle de deux chansons de circonstance en cette campagne électorale, deux chansons toujours aussi criantes d’actualité : Le droit de chialer et, bien entendu, Viva l’élection. « La seule chose que je regrette de cette chanson-là, c’est que c’est pas comme ça que je l’entendais, j’aurais voulu faire du Setzer big band bien avant Setzer, du big band arrache. Mais bon, j’aime la chanson, j’aime les paroles, j’aime le swing, ça manque juste de trompettes et de trombones à mon goût. » Viva l’élection est encore totalement d’actualité. Les panneaux électoraux, les beaux discours… « C’est triste de voir que ça n’a pas changé, que c’est le même manège! » Quel que soit le parti! Caya ajoute : « Un gars qui joue au hockey, que ce soit pour les Bruins, les Black Hawks ou les Nordiques, il joue au hockey. Un politicien de carrière, c’est pareil. On change de parti deux, trois fois, l’idéologie n’est pas nécessairement à la base de leurs motivations politiques. La vie de politicien les intéresse. C’est pareil chez les musiciens! On en voit qui veulent devenir des rock stars parce que c’est le mode de vie qui les intéresse plutôt que l’idée de faire de la musique. https://www.youtube.com/watch?v=FVCyPoqZhCQ Caya indique qu’il a changé d’idée à propos de Le droit de chialer : « Dans ce temps-là, c’est ce que je pensais. La chanson, c’est ma version française d’If you want to bitch, vote. Avec le recul, je me suis rendu compte que voter, c’est tellement pas suffisant à moins que ça soit une bonne excuse pour se déculpabiliser et se déresponsabiliser. Si tu veux vraiment que les choses changent, oui, va voter, c’est une des étapes, mais c’est la plus facile. Faut que tu t’impliques dans un dossier que tu te connais. Je me rappelle de Michel Chartrand qui disait à Bernard Derome qu’il ne voulait pas gagner. «Mais si vous ne voulez pas gagner, qu’est-ce que vous faites là?» Il a répondu quelque chose comme «Un gouvernement est aussi bon que son opposition.» Il voulait être le chien de garde. C’est parfait, il voulait jouer son rôle. » Selon Caya, les intentions de Chartrand étaient bonnes et pures. « Dire que le gouvernement ou les syndicats, c’est de la marde, c’est dire que le monde, c’est de la marde. Ils représentent le monde. Ce qu’ils en font, comment ils le manipulent, le corrompent, ça, c’est une autre histoire. » Le problème, selon lui, ce ne sont pas les institutions, mais ce que nos représentants en font. Ce n’est pas vrai qu’on peut rien faire. « Personne ne me contrôle si je ne l’écoute pas. «Ouais, mais t’as pas le choix!» Mais oui j’ai le choix! «Mais t’auras pas d’argent, t’auras pas ci, t’auras pas ça!» J’men câlice. Garde-le, ton argent! Là, il peut pu rien faire.» Le seul pouvoir qu’ont ces personnes, c’est celui qu’on leur donne.Déjà une demi heure!
Je regarde l’heure. Ça fait déjà plus de 30 minutes qu’on jase. Rudy Caya a une autre entrevue avant d’aller se reposer. On se serre la main, on se dit à samedi le 12. Je quitte le café avec une certitude : je vais arriver tôt au Cercle samedi, question d’être en avant. La bière sur le stage. En train de crier Ooh ooh ooh, je marche seul! avec du monde de 18 à 55 ans. Ça devrait être une bonne soirée. En plus, Caya va avoir la chance de rencontrer un autre trippeux de musique puisque c’est Simon Kearney qui assurera la première partie. Grosse semaine pour Simon, qui joue également au Show de la rentrée ce mercredi soir. Le spectacle est à 20 heures, les portes ouvrent à 19 heures, et les billets sont disponibles à la billetterie du Cercle et sur lepointdevente.com.]]> -
[ENTREVUE] Nanochrome au FME avec CFOU 89,1 FM
Jeudi le 3 septembre, j’ai jasé avec les gars de Nanochrome devant le Cachotier, là où ils s’apprêtaient à faire leur lancement d’album en soirée.
Pourquoi ils ont choisi le nom Nanochrome ? Écoutez l’entrevue, réalisée en collaboration avec la radio CFOU 89,1 FM:
https://soundcloud.com/cfoufm/nanochrome-mixage-final]]> -
[ENTREVUE] Saratoga au FME avec CFOU 89,1 FM
Archives ecoutedonc.ca[/caption]
Devant la salle de réception La Légion, j’ai discuté avec Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse, qui forment le duo Saratoga.
Ils nous parlent de leur été, de leur EP et de leur spectacle de ce soir. Ils nous ont même offert une performance acoustique dans le stationnement du TAXI COOP. À écouter juste ici, en collaboration avec la radio CFOU 89,1 FM:
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[ENTREVUE] RAGERS
Ragers – Photo: Byanca Desjardins[/caption]
Ragers, c’est un groupe qui «mix» de l’électro-rap-rock depuis deux ans. Avec leur EP Chapters, sorti récemment, ils ont fait des spectacles toute l’été et leurs performances ont été mémorables partout où ils sont passé. Ils seront au Cercle le 4 septembre prochain et je leur ai posé quelques questions par courriel:
Expliquez le choix de ce nom et le concept du band
Un représentation de notre état d’âme face à l’industrie et le monde d’aujourd’hui. Nos background punk nous fait voir le monde en méritocracie, et l’industrie musicale en est tout le contraire.
Expliquer le dessin qui vous représente
L’intérieur caché de plusieurs jeunes d’aujourd’hui. Power to the youth.Comment est arrivée l’idée de porter des masques ?
C’est une manière de dépersonaliser notre musique, en un sens. On s’est dit que si les gens voyait pas le visage des gars, il seraient forcés à porter attention à la musique plutôt qu’aux personnes qui la font. Ca a un peu backfire au début, avec beaucoup de gens qui portaient trop attention au branding. Mais maintenant que les gens nous connaissent et nous voient un peu partout avec les patchs et tout, ca c’est calmé et les gens ont compris ce qui est important (la musique elle-même).
Votre dernier EP, Chapters, a connu un succès fou. Quel est le prochain chapitre de votre carrière?
Le prochain chapitre s’écriera une fois de plus à Los Angeles. Nous partons pour 2 mois ce printemps pour produire le deuxième album. On vient de signer avec une nouvelle compagnie de booking, et on a les gens de la Royale Électrique qui font un travail absolument exceptionnel. Les pages du chapitre vont s’ouvrir plutôt vite, et que les gens pourront les lire en même temps que nous. Espérons que la Rage Cage (notre van Montana Pontiac 2001) n’explosera pas mi-chemin.
Quelles sont vos inspirations musicales?
Chaque instants se transforme en inspiration.Ce que vous avez appris à travers le temps dans le milieu c’est :
Le milieu de l’industrie c’est comme l’océan, c’est rempli de requins.Vous faites souvent des collaborations, comme celle qui va sortir bientôt avec Manast et ZéFIRE. Depuis vos début, avez-vous un ou des collaborateur (s) coup de cœur?
On a rencontré Manast à travers Asura, qui est le DJ de Joke (un rappeur Français très connu qui commence à faire du bruit ici aussi). Ca fait des mois qu’on planche sur la chanson, et c’est dur vu la distance Montréal-Paris et que tout doit se passer par courriel. Chaque collaboration est une expérience unique en soi. Du moment où ils entrent au Gold Labs (notre havre-studio) des choses historiques se produisent. Enfin nous sommes impatient de vous présenter les prochaines chansons avec Hussa du groupe The Posterz.
Outre Loud Lary Ajust, quels sont les autres artistes que vous aimez ou aimeriez remixer leurs chansons?
On respecte beaucoup l’univers musical de Robert Robert et CRi. Honnêtement, on se concentre sur du matériel original. De plus maintenant, il est de plus en plus difficile de publier des remix car Soundcloud resserre leurs réglementations face à l’utilisation de matériel sans droit d’auteur.
Qu’est -que vous aimez que les gens fassent dans vos spectacles? (placez ici un anecdote, si applicable)
On est toujours partant pour les “after-party” que les gens nous proposent… Il nous est même arrivé une fois de rester embarré hors de la maison, à plusieurs kilomètres de l’hôtel… sans que personne ne puisse nous ouvrir…. Très longue nuit…
Le spectacle du 4 septembre au sous-sol du Cercle ça va être :
Aussi mémorable et arrosé qu’un party de sous-sol au secondaire sans le mixtape de Big Shinny Tunes 6 en repeat. Pis après le show, tout le monde au Carole!
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