Festival d’été de Québec – un bilan

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Bon, on finit tout le temps un peu plus tard que les autres à ecoutedonc.ca. On prend nos vacances pendant le FEQ et on s’épuise davantage à courir partout et à tripper nos vies qu’à travailler sagement devant l’ordi à la maison.

Faque vous avez lu les camarades des autres médias, vous avez entendu ce que l’équipe du Festival d’été a retiré de 55e édition, on ne fera pas dans la redite. Par contre, vous le savez aussi, notre FEQ ne ressemble pas du tout à celui qui est couru par des dizaines de milliers de festivaliers et festivalières. On arrive tôt pour voir les premières parties, on arpente principalement les petites scènes et on est souvent le seul média présent (les autres ne savent juste pas ce qu’ils manquent).

Tout d’abord, malgré les caprices de la météo (il n’a pas plu si souvent que ça quand on y pense, mais quand il a plu…), on a eu beaucoup de plaisir, comme en témoigne la suite de ce très long texte.

On vous en avait parlé lors de la sortie de la programmation (et sérieux, j’aurais adoré que l’équipe du FEQ le souligne parce que c’est une chose rare pour un festival de cette envergure), mais on avait été agréablement surpris.es par la représentation des femmes et des personnes de la diversité de genre dans la programmation. Eh ben, vous savez quoi? Notre couverture a été aussi paritaire : sur les 63 artistes dont nous avons parlé au cours des deux dernières semaines, on comptait 32 hommes et 31 femmes et personnes de la diversité. Une telle chose était impossible sans forcer très très fort avant la pandémie, et là, on a juste mis nos noms à côté d’artistes qu’on voulait voir sans trop y penser.

C’est important, on ne le rappellera jamais assez. Je me souviens, l’année dernière, on avait vu Les Shirley à Limoilou en musique. Une petite fête de quartier où les enfants ont généralement beaucoup de fun. Vous savez bien qu’un paquet de jeunes filles se sont dit qu’elles aussi pouvaient jouer du rock. Vous savez bien aussi que ces jeunes filles ont insisté pour aller voir Weezer avec leurs parents parce que leurs rockeuses préférées étaient là. Combien de personnes queer se sont dit que rien n’était impossible en voyant Siibii, un.e artiste à la fois queer et autochtone, fouler les planches du Parc de la Francophonie? Le Festival a un rôle social important à jouer, qu’il le veuille ou non, et cette année, avec cette représentativité pas mal plus près de la réalité que les années précédentes, il l’a joué avec brio.

Autre statistique intéressante, on a vu 43 projets menés par des artistes du Québec et de la francophonie canadienne.

On aurait pu croire que notre scène la plus fréquentée était la scène Hydro-Québec (que j’appelais affectueusement mon chalet parce que j’étais presque le seul occupant de la tente média), mais après dépouillement, on a eu une autre surprise : notre équipe a passé passablement plus de temps au Parc de la Francophonie qu’ailleurs. Faut dire que cette année, le site portait bien son nom.

On a aussi vu 23 artistes à la scène Hydro-Québec. Pas mal. On ne s’y ennuie jamais et on y a fait un tour presque tous les jours.

On n’a malheureusement pas eu la chance d’aller à la scène Découverte de la terrasse du Manège militaire. On comptait aller faire notre tour, mais les deux prestations qu’on voulait voir ont été annulées : la première, celle de LYD., en raison de la pluie incessante du premier lundi. La deuxième, celle de Peanut Butter Fuckin’ Sunday, parce qu’elle a tout simplement été déplacée à la scène Bell.

Voilà qui explique peut-être pourquoi nous y avons fait plus d’incursions que d’habitude. Au total, nous y avons vu 8 artistes (parmi ceux dont nous avons parlé), tous en provenance du Québec et de l’Acadie. Parmi ceux-ci, 5 y jouaient pour la toute première fois. Yep, ceci explique cela.

On n’a malheureusement pas eu la chance de faire un tour aux Extras FEQ du Manège militaire. Paraît que l’ambiance était excellente, mais c’était un peu tard (on profite souvent du fait que les shows de la scène gratuite finissent tôt).

Enfin, on n’a couvert qu’un seul Pop Up FEQ, soit celui d’Ariane Roy. Avoir eu le temps d’en voir davantage, on aurait probablement profité du moment sans trop s’énerver sur les kodaks. C’est supposé être plus intime et je pense qu’on devrait le plus possible laisser le public profiter de cette proximité, surtout que de notre côté, avoir Ariane à moins de deux mètres de nous autres, on appelle ça un « vendredi soir au Pantoum ».

Quelques moments forts

  • Les Shirley qui jouent sur les Plaines quelques jours avant d’assurer la première partie des Foo Fighters à Verdun. Si y’a un power trio qui le mérite, c’est bien celui-ci.
  • DakhaBrakha qui livre un message de résilience et d’espoir devant un public très en jaune et bleu.
  • Ariane Roy qui brûle les planches du Parc de la Francophonie devant un parterre ravi. Elle remplira le Blaxton Cartier en prestation surprise.
  • Stephen Sanchez, qui a des gènes d’Elvis et de Freddie Mercury. Il n’a que 20 ans.
  • Jessie Reyez qui a conquis les spectateurs et spectatrices présent.es avec une prestation à la fois douce et explosive.
  • Une première « soirée entre ami.es » fort réussie avec Vanille, Thierry Larose et Gab Bouchard.
  • Jan Verstraeten. Une des découvertes les plus magistrales qu’on n’a jamais faites au FEQ.
  • LUMIÈRE sous la pluie. Je veux juste souligner qu’il y a à peine deux ans, on voyait Etienne et sa bande dans les mêmes circonstances. La seule différence, c’est qu’on était dans un petit stationnement avec une centaine de personnes plutôt que sur la plus grosse scène à Québec entouré de près de 20 000 imperméables et ponchos (notre évaluation très sommaire).
  • Choses Sauvages, qui remplaçait Les Louanges (alors que celui-ci, qui devait remplacer Christine and the Queens, a vu sa prestation annulée maudine), a viré le Parc de la Francophonie à l’envers. Quelqu’un est surpris?
  • Sudan Archives qui a envoûté le public d’Hydro-Québec seule avec son violon et ses beats. C’était à couper le souffle.
  • Shaina Hayes, qui se faisait bercer par un vent digne de sa Gaspésie natale pendant que son batteur Francis Ledoux tentait de tenir ses cymbales debout. C’était quand même de la maudite belle musique.
  • Demain Rapides. Allez écouter ça, vous allez avoir du pep longtemps!
  • Dumas. Il a donné le deuxième meilleur show de la soirée. Son seul problème était de jouer en même temps que The Smile. Et pourtant, la scène Hydro-Québec était bien garnie, l’ambiance était à la fête, et on a dansé jusqu’à tard.
  • zouz. Quelle belle façon de mettre la table pour TEKE::TEKE et The Smile!
  • TEKE::TEKE. L’espoir FEQ 2022 était de retour. Encore plus coloré et éclaté que jamais.
  • The Smile. De grands artistes qui profitent de leur liberté pour nous imposer du beau doux. On n’a jamais vu Thom Yorke rayonner autant.
  • La deuxième « soirée entre amis » avec Barry Paquin Roberge, Les Hôtesses d’Hilaire et Les Hay Babies a été un succès sur toute la ligne. Cette fois, toute la foule faisait partie de la gang. Une foule de tous les âges, jeunes et vieux, venus apprécier trois projets à la fois si différents, mais si similaires dans le coeur que tout le monde y met!
  • Peanut Butter Sunday qui, selon Estelle Grignon de CHOQ.ca, a réalisé le plus gros speedrun entre les Francouvertes et les Plaines d’Abraham.
  • Robert Charlebois. Il a 29 ans de plus que moi. Il a l’air d’en avoir 29 de moins.
  • Les Cowboys Fringants. Un concert magnifique. Une grande communion rendue plus puissante par la détermination de Karl Tremblay. J’y reviens aussi un peu plus loin.

quelques réflexions personnelles

Bon, désolé de voler le spotlight à ma gang deux minutes, mais comme chaque année, je voulais vous partager quelques trucs plus personnels.

L’année dernière, j’ai raté les deux premières soirées du Festival à cause de la COVID. J’ai ensuite passé les cinq jours qui suivaient avec un masque dans la face à me tenir tout le temps en retrait. Heureusement, cette année, pas de gros microbes, mais ça n’a pas toujours été facile.

Chaque année, même si je me garde quelques bonbons (généralement locaux – donc des artistes que je vois déjà à l’année), je m’efforce d’aller découvrir de nombreux artistes. J’en ai vu 42. Une moyenne d’un peu moins de 4 par jour. J’ai déjà eu des FEQ plus occupés, mais cette année, j’ai décidé de voir plus de prestations complètes.

Sur les 42 artistes en question, seulement 19 projets étaient menés par des hommes. Encore là, c’est à cause de l’embarras du choix, tout simplement. J’en voyais 23 pour la première fois (j’pense que les mauvaises langues peuvent arrêter de dire que je vois tout le temps le même monde, là). J’ai craqué pour plusieurs. La folie de Jan Verstraeten. Le charisme de Sudan Archives. Les beats dansants de Tukan. La douceur de Shaina Hayes. Le groove de Bonanza. Et tellement d’autres!

Ça a été fertile en émotions du jour 1 au jour 12. L’amour que s’échangeait DakhaBrakha et le public était touchant. J’ai été absolument charmé par l’adorable Jessie Reyez, ma nouvelle amie. J’étais déchiré au show de Dumas. D’un côté, je manquais The Smile et je m’en mordais les doigts. De l’autre, je voyais ma prestation préférée du FEQ jusqu’à ce soir-là. Dumas est tout en artiste, et il sait transmettre son énergie à son public, qui le lui renvoie fort bien. Oh, il y a aussi eu LUMIÈRE, que j’ai adoré. Y’avait un sentiment de fierté de voir cette projet finaliste au Cabaret Festif 2017 (tu pensais qu’on s’en souvenait pas, Etienne?) se peaufiner au point d’être taillé sur mesure pour les plus grandes scènes.

Mes plus grandes émotions, je les ai vécues dans les derniers jours. D’abord, le samedi 15 avec toutes ces belles personnes que j’ai aussi vues grandir au fil des ans. Si on les additionne, j’ai dû voir Barry Paquin Roberge, Les Hôtesses d’Hilaire et Les Hay Babies une bonne quarantaine de fois. Mais dans un tel triple plateau, c’est bien la première. Me retrouver dans une position privilégiée toute la soirée, dans la fosse à photos, à prendre des clichés sans arrêt tout en fredonnant chacune des maudites chansons de 18 h à 22 h 30, c’était pour ma petite personne un gros highlight de ma « carrière » de vadrouilleur culturel. Désolé Arnaud, je sais que t’aurais voulu que j’aille voir Lana, mais ma place était là, avec tout ce beau monde. Y’avait un party dans mon chalet et tout le monde était invité.

Pis Robert Charlebois. Chanter Fu Man Chu à tue-tête, ça m’a fait tellement de bien, surtout que je savais que j’allais avoir de la misère à passer le reste sans éclater en sanglots.

Le plus grand groupe québécois de l’histoire

Lundi soir, 90 000 personnes ont vécu quelque chose de grand. Quelque chose de plus grand même que le groupe qui montait sur scène. Des fois, quand on couvre presque uniquement les jeunes pousses, on oublie combien les artistes populaires touchent les gens, combien des personnes de toutes origines et de tous horizons s’y reconnaissent.

Oui, la force du groupe, c’est surtout sa présence explosive sur scène, comme en témoigne ce show livré le couteau entre les dents. Mais Les Cowboys Fringants, c’est aussi près d’une dizaine d’albums en un quart de siècle. C’est le grand « Break Syndical ». Ce sont les textes qui passent de l’engagement politico-social à l’infiniment intime (on en a eu la preuve lundi à certains moments).

On n’a pas encore le recul nécessaire selon certains, mais il faut se rendre compte d’une chose : y’a pas un groupe au Québec qui a connu autant de succès populaire et critique de façon aussi constante et durable que Les Cowboys Fringants. Pas un. Oubliez Beau Dommage, oubliez Harmonium, oubliez Offenbach et Les Colocs. Oubliez même Madame (c’t’une joke!). Même Les Trois Accords et Bleu Jeans Bleu ne sont même pas proches. Et partez-moi pas avec Karkwa et Malajube, deux groupes que j’aime personnellement beaucoup plus que tout ceux que je viens de nommer.

Lundi, quand on chantait toutes les tounes à l’unisson, qu’on soit balayeur ou Julie Snyder, y’avait beaucoup de monde qui pleurait. Pas juste à cause de l’énorme charge émotionnelle que ce concert traînait avec lui. Y’a un paquet de monde qui revit des expériences avec les pièces des Cowboys. Des moments tristes, des moments d’espoir. Je suis certain qu’il y a beaucoup de monde qui se donnait du courage avec Toune d’automne ou La reine avant d’aller subir des traitements de chimio avant même que Karl ne soit lui-même pogné avec le maudit crabe de marde du câlice.

Ce qu’on a vécu en chantant Sur mon épaule avec Karl, c’était sans aucun fucking doute le moment le plus poignant de toute l’histoire du Festival d’été de Québec. 90 000 personnes en larmes, le cellulaire levé pour faire des dizaines de milliers de lucioles, qui vivaient ensemble un des moments les plus surréels de leurs vies. Un moment à la fois si beau et si touchant qu’on l’écoute encore toustes en boucle 24 heures plus tard, les larmes aux yeux.

J’ai chanté Wish You Were Here avec Pink Floyd. J’ai crié à tue-tête les paroles d’Hey Jude avec SIr Paul. J’ai vécu le dernier show, très lourd, des Colocs aux Francos. Je pleure tout le temps comme une Madeleine à tous les shows parce que certaines lignes mélodiques me liquéfient carrément. Mais jamais, au grand jamais, même en chantant Je voudrais voir la mer avec Michel ou Les aurores avec Mara, je n’ai vécu de tels moments où tout le monde a vécu la même grande émotion. C’est très dur à expliquer, heureusement, je pense que vous étiez toustes là, alors vous comprenez.

Le plus grand groupe de l’histoire du Québec, le plus beau moment de l’histoire du FEQ. Check.

Enfin, merci.

Bon, je termine rapidement avec des remerciements.

Tout d’abord, cette couverture n’aurait jamais été possible sans l’apport d’une équipe de bénévoles dévoué.es. En plus de mes (trop nombreux) mots et (pas moins nombreuses) images, vous avez pu voir ou revoir quelques moments croqués par Llamaryon, Nicolas Padovani et Carbo Photographe. Vous avez aussi pu lire les mots doux de Marie-Ève Duchesne, Gilles Deleurme et Maxime Beaulieu. Y’a tellement d’artistes qui n’auraient eu absolument aucune couverture médiatique sans vous! Vous êtes de vrais warriors.

J’en profite également pour remercier toute l’équipe du Festival d’été de Québec pour l’accueil, la confiance et tout le travail acharné pour mener cette édition particulièrement difficile (ouin, j’ai pas trop parlé des annulations causées par les orages, ni du report à lundi, mais vous savez pas à quel point ils ont patiné pour vous avoir ce moment collectif). On le prend parfois pour acquis parce qu’on collabore avec Bleufeu dans d’autres trucs (alors on a tendance à oublier que le timing est pas tojours bon pour une question niaiseuse par courriel, sorry Véronique), mais votre dévouement et votre professionnalisme sont toujours remarquables. Pas pour rien que chaque fois que je parle à un média étranger, le monde capote et veut revenir! On est vraiment chanceux de vous avoir pour nous autres à l’année.

Merci enfin à vous toustes de nous lire aussi assidûment. Sans vous, on n’existe pas. Et si on n’existe pas, qui va dire « une chance qu’ecoutedonc est là »?

On vous aime. On retourne au FEQ le 4 juillet 2024. Mais là, dodo. On l’a mérité.

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