Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse du duo Saratoga présenteront un spectacle au Théâtre du Petit Champlain ce samedi, le 17 décembre prochain, dans le cadre de la tournée de l’album Fleur qui est paru sur les tablettes de votre disquaire préféré au mois d’octobre passé. Cet automne, j’ai eu l’occasion de réaliser une entrevue avec le bassiste dans laquelle nous avons creusé plusieurs sujets en lien avec la création de l’album. Nous avons notamment discuté des thèmes qui y sont abordés, du processus d’enregistrement, des spectacles à venir et inévitablement, nous avons parlé de musique. Très généreux et définitivement mélomane, Gasse s’est livré aux questions avec une sincérité authentique qui fait du bien.
L’écriture de l’album
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Saratoga – Photo : Jacques Boivin[/caption]
La conception de Fleur, premier album entièrement écrit par les deux musiciens, a été de courte durée. La période d’écriture s’est d’ailleurs échelonnée sur quelques mois seulement, au début de l’année, le couple profitant alors d’une accalmie pour se cloîtrer dans leur nouvelle maison de campagne et travailler les textes : « On a découvert, au fur et à mesure, notre dynamique d’écriture à deux. Ça reste quelque chose qu’on était pas au courant. On a appris à travailler en équipe en écrivant les tounes de cet album là ». Gasse avoue que le duo a réellement atteint son groove après que la troisième chanson ait été composée. Ayant réussi à prendre leur air d’aller, chacun a trouvé la place qui lui revenait dans le processus de création : « Chantal c’est une créative dans tous les aspects de sa vie, elle crée sans arrêt. Moi, je suis pas mal plus relaxe sur ce côté là. J’suis bon pour retravailler les trucs, les peaufiner, les amener ailleurs. Fait que Chantale a souvent été la créatrice des mélodies et des thématiques. Après ça, on finissait par sabler et vernir les chansons à deux ». Or, l’impitoyable hiver québécois étant ce qu’il est, les deux musiciens ont ressenti le besoin de s’évader pour pallier leur incapacité à pondre de nouveaux textes : « Une fois, c’est arrivé qu’après souper on s’est assis pour écrire et ça marchait pas du tout. Chantal a dit »On va-tu dans l’Sud? » Je lui ai dit »Ok! » ».
Le couple a ainsi pris l’avion en direction de la République Dominicaine pour écrire les fenêtres ouvertes, comme le dit Gasse. C’est d’ailleurs dans ce décor tropical que la chanson titre de l’album a été créée : « Il y a quand même trois tounes qui sont nées de ce voyage là dont Fleur qui nous est tombé du ciel dans sa forme actuelle. Tsé quand tu dis que des fois, tu travailles tes affaires pis des fois t’es juste le médium, que tu fais juste amener quelque chose qui existe déjà et qui passe par toi seulement? Ben c’est le cas avec Fleur. Elle est arrivée de nulle part ». Par ailleurs, Fleur engloberait en elle-même le message derrière l’album, celui de prendre le temps de revenir à l’essentiel.
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Les thèmes
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Saratoga – Photo : LePetitRusse[/caption]
À l’image des deux musiciens de Saratoga, les thèmes exposés dans l’album sont imprégnés d’une authenticité incontestable: « On ne voulait pas faire un album cute. On ne voulait pas écoeurer le monde avec notre bonheur. C’est quand même fucking dull d’écouter des tounes qui parlent des gens qui sont heureux tout le temps », affirme candidement le bassiste. « On s’est mis à regarder autour de nous et on s’est dit qu’on ne se ferait pas à croire que ça va bien dans l’monde! C’est de la marde de bord en bord; la planète tombe en ruines et les gens évoluent le cou penché tellement ils regardent leurs cellulaires ». C’est donc sous les angles collectif et personnel que les musiciens ont voulu aborder le sujet des imperfections du monde moderne, notamment du culte de l’apparence, de la facilité, de la consommation rapide, de la culture du jetable et du rythme trépidant de nos vies. « C’est rendu que les appareils ménagers sont jetables, mais tes relations aussi sont jetables au final! Si toi, à la base, tu te cultives pas comme personne, que tu te groundes pas comme du monde, ce qui se passe autour de toi sera toujours éphémère et tu vas toujours patauger dans le vide », affirme Gasse. Le ralentis l’allure cité dans la chanson Fleur, qui est d’ailleurs devenu un hashtag sur Instagram, est au centre du message que le duo veut communiquer à son auditoire; capter les moments importants et vrais, regarder le ciel plutôt que le cellulaire, essayer d’être une meilleure personne dans le quotidien et retourner à l’essentiel.
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L’enregistrement
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Saratoga – Photo : Jacques Boivin[/caption]
Du fait que Saratoga s’adonne à une musique pleine de sensibilité et de délicatesse, l’enregistrement de l’album a présenté quelques défis techniques: « Les musiques de l’album ont été enregistrées à Montréal. C’est un studio situé au coin de la rue Bellechasse et de Saint-Laurent. C’est terriblement passant! Quand t’es un band de rock c’est pas un problème, mais nous autres, comme notre tech le disait, on joue avec le poil des yeux », raconte Gasse. Les micros étaient d’ailleurs réglés au plus fort pour capter la musique que le duo jouait avec douceur. Par conséquent, les bruits ambiants de la métropole empêchaient parfois l’enregistrement des chansons et imposaient un temps d’arrêt. Quant aux voix, elles ont été enregistrées dans leur maison, à la campagne. Or, encore fallait-il attendre la tombée de la nuit car les ronflements des moteurs des motos s’assuraient de se faire entendre: « Il fallait qu’on attende que les motos et les oiseaux se soient calmés un peu, parce que ça pissait dans les micros. Fait qu’on attendait d’avoir le silence radio dans le village et on a chanté ça, dans la nuit, dans le noir avec plein de couvertes de laine installées partout dans notre cave de béton », exprime Gasse.
Bourque, qui était à sa première expérience derrière la console à titre de réalisateur, a également composé les magnifiques arrangements qui enrichissent les mélodies. Gasse raconte que « Guillaume est parti dans un trip d’arrangements. Au début, on savait pas trop où s’enligner. On savait qu’on voulait habiller un peu l’affaire, parce que tant qu’à jouer la même formule qu’on présente en show et à la quantité de shows qu’on fait, on s’est dit que ça vaut pas la peine de faire un album vraiment juste à deux ». C’est ainsi qu’avant d’entrer en studio, Bourque aurait signalé au couple l’idée d’ajouter le son de la clarinette basse qu’il avait entendu dans une des lignes de basse que Gasse avait composée. À partir de ce moment, le duo s’est transformé en trio, la formule de prédilection de Michel-Olivier : « Cette formule là de trio avant, c’est une de mes formules préférées dans toutes les options que la musique classique peut offrir, de par la douceur des timbres. C’est tellement boisé et chaleureux ». Rapidement, Bourque a su livrer des arrangements qui ont conquis les musiciens impliqués et qui ont arraché des larmes.
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Le spectacle
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Saratoga – Photo: Jacques Boivin[/caption]
J’ai demandé à mon interlocuteur de m’expliquer comment il projetait de jouer les pièces plus étoffées de l’album en concert. Comptait-il ajouter un musicien qui les suivrait en tournée? Ou allait-il préconiser la formule duo? « C’est un peu tough de traîner un trio classique pour cinq tounes », raconte Gasse. « L’idée c’est vraiment de rester tous les deux. Les tounes existaient avant d’avoir les arrangements. Au fond, le projet était aussi d’avoir des arrangements qui ne prennent pas la place de la chanson, c’est-à-dire que les chansons ne reposent pas sur ces arrangements là ». Selon lui, l’album est une chose, le spectacle en est une autre. Il faut cependant viser à créer une cohérence entre les deux, ce que Saratoga a réussi à faire. « Ça sera pas long qu’on va habiter nos tounes et qu’on va les livrer comme du monde. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour penser qu’il manque quelque chose en spectacle », affirme l’artiste.
La proximité avec le public et l’ambiance intimiste qui s’installent dans la salle sont le propre des spectacles de Saratoga. Le bassiste dit prendre son pied dans cette atmosphère de recueillement et d’apaisement que le couple aime instaurer. Selon lui, elle serait en partie causée par l’utilisation de micro condensateur qui oblige les chanteurs de se placer à un pied du micro. L’espace permet à l’air de circuler et de laisser au silence le temps de prendre sa place. « On a cette chance de jouer dans des contextes où les gens comprennent ben assez vite qu’il faut que tu te fermes la yeule, sinon c’est toi qui a l’air cave. Les gens au Québec comprennent ça et on peut s’adresser à eux sur un ton pas fort ». De plus, la complicité des deux amoureux sur scène contribue sans doute à l’esprit chaleureux, presque familial, qui nous charme chaque fois : « C’est très facile sur scène parce que Chantal et moi, on se connaît beaucoup. Même si on est tellement différent à la base, comme personnes, au final on se rend compte qu’on se complète et qu’on fait une équipe du tonnerre dans la vie comme au hockey », confie Gasse. Il ajoute que « comme il ne se passe rien d’autre sur la scène que nous deux, un coup d’oeil entre nous ne passera pas inaperçu. Les gens voient qu’on se regarde pour vrai. Ça reste dans les petits gestes, dans les petites attentions que le monde voit que c’est vrai, pis que ça prend pas grand chose pour être amoureux. Notre projet, le spectacle, nos chansons sont profondément nous autres. On en met pas un chapeau de Saratoga avant d’entrer en scène ».
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