Le mois passé, Jason Bajada sortait Volcano au centre Phi, à Montréal. Personnel, l’album se veut le témoignage d’une histoire d’amour, des débuts lover aux épisodes tourmentés qui mèneront à la rupture. C’est à la Ninkasi rue Saint-Jean que j’ai eu le plaisir de rencontrer l’auteur-compositeur-interprète qui était de passage à Québec pour présenter un spectacle à l’occasion du Off-Rideau. Précédé de Le résultat de mes bêtises (2013), Volcano est le deuxième album francophone en carrière pour Bajada. Oscillant entre l’anglais et le français, il croit qu’il est extrêmement difficile ou extrêmement facile d’écrire dans les deux langues: «Il y a des périodes de 5 mois pendant lesquelles je n’écris pas du tout alors qu’il y a des chansons sur l’album qui ont été écrites en un après-midi. Ce n’est jamais la même chose. Ça dépend du moment.» Il reconnait toutefois que c’est un Art d’écrire et qu’il a hésité longtemps avant de le faire en français, croyant qu’il ne le maîtrisait pas assez bien. «Pour chaque Leonard Cohen, il y a un Alain Bashung», dit-il. Au départ, il avoue avoir souffert du syndrome de l’imposteur jusqu’à ce qu’on le rassure sur la qualité de ses textes et qu’on lui rappelle qu’il a passé 50% de sa vie en français puisque c’est la langue maternelle de son père et qu’il a fréquenté les écoles francophones. Bajada a vite réalisé que les mécanismes étaient les mêmes dans les deux langues et qu’il suffisait de ne pas over thinker l’exercice. Inside the volcano L’album Volcano a été écrit, en partie, dans des circonstances difficiles où Bajada baignait dans l’anxiété pour la première fois. Comment est-il arrivé à transformer ce sentiment paralysant en un outil de création? L’artiste raconte qu’il était en période d’écriture lorsque les moments difficiles ont commencé: « Volcano est un peu comme Loveshit (2008). C’est un document sur une relation amoureuse principalement. En revisitant l’album, je réalise qu’il y a des chansons super positives, lover et belles.» dit-il. «Ensuite ça se gâte au milieu de l’album avec la chanson Tiens le coup.» Cette pièce a d’ailleurs été composée le soir même où les véritables troubles anxieux ont fait leur apparition dans sa vie. Profondément ébranlé par l’expérience, il avoue n’avoir pas eu le choix de traiter le sujet: «Quand ça va pas bien, j’écris. C’est ce que je fais dans la vie.» L’anxiété n’a pas seulement teinté la relation amoureuse qu’il entretenait avec son ex-copine. Elle a également fauché son meilleur ami atteint de troubles anxieux. La chanson Jean-François lui est d’ailleurs dédiée et raconte l’histoire d’un homme qui semble heureux et en possession de ses moyens alors qu’il est sur le bord de l’éruption, comme un volcan. Forcement, l’année 2014-2015 a été un annus horribilis pour Bajada qui a finalement trouvé la sérénité au fond d’un volcan lors d’un voyage salutaire en Islande. «Je suis parti en voyage en Islande après que l’album soit terminé. Tous les parallèles ont été faits dans le cœur d’un volcan que j’ai exploré lors d’une activité à Reykjavik qui s’appelle Inside the Volcano. C’est dans le fond de ce volcan que je me suis senti le plus serein pendant mon année, même si c’est une situation qui pourrait être désastreuse. La métaphore était puissante. C’est là que j’ai trouvé le titre de l’album et la photo de la pochette qui est une photo prise avec mon iPhone au début du voyage», confie-t-il. Les influences musicales Pendant l’écriture de Volcano, Bajada raconte qu’il écoutait beaucoup l’album de The War on Drugs, Lost in a Dream : « J’avais envie de ce genre de train Bruce Springsteen-là, comme justement le premier extrait, Pékin, et la chanson Tiens le coup. Ce sont des chansons qui, pendant 6 minutes, avancent comme un train à 160 bpm». Il tenait quand même à conserver son range de voix et le côté mélancolique qui lui ressemble et qui traduisait la période qu’il traversait. Selon lui, changer le rythme stimule la créativité et l’écriture. «Je me sens hyper bien de chanter Pékin, même que j’ai l’impression que c’est mon vieux stock. Pourtant, je n’ai jamais composé des chansons aussi rapides», dit-il. Bajada ajoute qu’il a également beaucoup écouté l’album Are We There Yet de Sharon Van Etten : «Je ne sais pas, elle m’a saisi avec son album et son EP I Don’t Want to Let You Down». En studio avec de grosses pointures Jason Bajada était très bien entouré lors de l’enregistrement de Volcano. Il a pu compter sur Samuel Joly à la réalisation et à la batterie, sur Alexandre Lapointe à la basse (The Brooks), sur Oliver Langevin à la guitare (Galaxie), sur Joss Tellier à la guitare également, sur François Plante et sur François Lafontaine au clavier (Galaxie, Patrick Watson). Marie-Pierre Arthur et Stéphanie Lapointe ont également prêté leur voix. «Il y avait de quoi faire de la magie avec les musiciens qui étaient dans la pièce!», affirme Bajada. Il a eu cependant quelques difficultés à se détacher de ce qu’il avait composé sur les maquettes. Le propos de l’album était très personnel : «Je suis arrivé au studio avec des maquettes sur lesquelles il y avait du drum, de la basse et de la guitare électrique. J’en ai beurré épais, il y avait du stock!». Or, il a vite fait de laisser beaucoup de place aux musiciens : «C’était le bout le fun, le bout hors de mon control. Même si c’était difficile et que je devenais insécure parce que je ne reconnaissais plus mes maquettes. On a jamé, on a exploré. Je savais que je pouvais leur faire confiance». [embed]https://www.youtube.com/watch?v=Nhi4JKQ7UYY[/embed] ____________________________________________________________________ Jason Bajada s’est livré au questionnaire musical avec enthousiasme et on a découvert des réponses surprenantes. Qu’est-ce que tu écoutes dans ton char? Ça varie, mais cet après-midi, dans mon char, j’écoutais The Replacements. Quels sont tes classiques? Its a Wonderful Life de Sparklehorse est mon album île déserte. Je vais dire XO d’Elliott Smith aussi. N’importe quel album des Lemonheads. Doolittle des Pixies. The Hour of Bewilderbeast de Badly Drawn Boy. Il y en a tellement! N’importe quel album de Kanye West. CD ou Vinyle? Vinyle! Je ne vois pas l’utilité du CD. Avec l’achat d’un vinyle, t’as un download code. La relation physique avec l’objet (vinyle) est plus importante qu’une playliste. Plaisir coupable? C’est vraiment des trucs que j’assume et que j’adore, qui ont été des influences pour moi. Ce sont des trucs qui ne sont pas cool d’aimer, mais je ne ferais pas de musique aujourd’hui s’ils n’avaient pas existé. Counting Crows, August and Everything After. C’est le plus bel album ever! J’ai adoré les Goo Goo Dolls aussi. Ces temps-ci je dois t’avouer que j’écoute beaucoup de Drake.]]>