21e FME entre musique, rencontres et partages

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Le parc de la Vérendrye commence à m’être de plus en plus familier. Si le trajet peut parfois sembler interminable, il n’en est rien quant ce qui nous attend à l’autre bout de la route. Du 31 août au 3 septembre dernier, le Festival de Musique Émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME) qui m’a fait vivre toute une expérience. C’était une deuxième édition pour moi, et une 21e édition pour ce festival de l’Abitibi-Témiscamingue.

On a l’habitude de faire un survol des artistes de la programmation, mais j’ai plutôt envie de vous raconter mon expérience sous l’angle « ce que je retiens du 21e FME ». Tant pour les médias que pour les professionnels de la scène, c’est un moment de musique, mais également de rencontres et de partages. Parce que si les artistes présents sont pleins de potentiel, le FME, c’est plus qu’une programmation.

En musique

Oui, je vais néanmoins vous nommer quelques coups de coeur. Après tout, la musique, c’est ce qui nous a amenés jusqu’à Rouyn-Noranda, non? Le groupe qui retient le plus mon attention cette année est TUKAN, une formation bruxelloise qui propose une musique électronique-jazz (je vous avoue que je cherche le jazz, mais c’est un détail!). En route, j’avais écouté « Atoll », un album qui joue sur la construction des ambiances en garnissant le tout de notes accrocheuses et contrastantes. Sur scène, le quatuor mélange les instruments à la table de mixage. Les basses nous envahissent, s’emparent de nos corps pour nous faire danser jusqu’aux petites heures. L’expérience s’avère ainsi différente, mais tout aussi satisfaisante.

J’avais aussi hâte de découvrir le nouveau projet de Mélissa Fortin. On connaissait déjà la force créatrice de la pianiste de Bon Enfant à travers les pièces instrumentales Ode aux pissenlits et Triangle. Lors de ce tout premier spectacle, Mélissa nous a rapidement convaincus. Dans une orgie de piano, les notes des synthétiseurs se sont cumulées pour nous emporter dans un espace sidéral propre à l’artiste. Curieux? Fleur Cosmique, la première pièce d’un album à venir, est actuellement disponible sur les plateformes.

Suivant Mélissa Fortin, le groupe Patche a poursuivi l’envolée instrumentale signé Popop. Quand la formation se compose d’Elliot Durocher Bundock, d’Étienne Dupré, de Lévy Bourbonnais, de Mandela Coupal-Dalgleish et de JB Pinard, elle ne peut que retenir l’attention! Les guitares sexy, les basses bien grasses et les rythmiques qui appuient merveilleusement les trames expérimentales m’ont rapidement séduite. Le premier album éponyme est disponible depuis février. Un must à la trame sonore de ta vie.

Au-delà de ces description, j’aimerais mettre en lumière un aspect qui m’a marquée. TUKAN, Mélissa Fortin et Patche proposent tous les trois de la musique instrumentale. Ceux qui me connaissent savent que, pour moi, les mots et les voix sont des éléments quasi essentiels à mon appréciation de la musique. Ainsi, pour que mes coups de coeur soit instrumentaux, c’est qu’il réside une force commune propre à ces trois formations : une capacité à construire des ambiances accrocheuses et suffisamment variées pour me garder en haleine. Ce que je retiens donc de ce FME, c’est qu’il existe de la musique instrumentale qui m’accroche autant qu’un texte bien écrit. Tout est dans l’exécution.

Je dois également souligner la performance de Violett Pi. Si j’avais écouté « Manifeste contre la peur » j’avais négligé l’écoute de « Baloney suicide » depuis sa sortie en avril dernier. Par chance, j’ai suivi la bande et je me suis installée à l’arrière du Cabaret de la dernière chance sans trop d’attentes. Dès la première pièce, j’ai été renversée par sa musique dansante plombée de rock. Du haut de mes 5 pieds 1, je voyais peu l’artiste sur scène, mais j’étais néanmoins capable de constater sa fougue contagieuse. Je n’avais jamais vu jusqu’à lors Violett Pi en spectacle – une expérience que je me devrai de renouveler en avant-scène au plus vite.

En rencontres

Les événements de réseautage entre les acteurs de l’industrie sont également un morceau important de l’expérience FME. Ils nous permettent de constater les différentes perspectives des professionnels du milieu, d’échanger sur leur réalité parfois bien différente de la nôtre. Bref, c’est une occasion d’approfondir nos connaissances et notre attachement à un milieu culturel trop souvent négligé par les organismes subventionnaires. Ça donne aussi, égoïstement, du sens à nos comptes rendus et, moins égoïstement, à toi lecteur qui parcours mes lignes.

En plus des acteurs de l’industrie québécoise, le FME accueille des professionnels européens. Les discussions y sont riches, et constater les différences entre ce qui se fait ici et outre-mer est enrichissant et à la fois perturbant. Je parlais de subventions : l’argent qui permet aux artistes de s’épanouir, de sortir de chez eux pour faire rayonner leur origine partout où ils passent demeure un enjeu clé à la croissance de nos artistes locaux. Il est facile d’idéaliser la réalité qui n’est pas la nôtre, mais j’ai senti chez les Européens un amour propre pour la musique, une envie de s’investir, une passion fervente. J’espère un jour avoir la chance de vous visiter et de constater le tout de mes propres tripes.

En partage

Cette année, ecoutedonc.ca a été invité à animer une table ronde sur la santé auditive organisée par les Scènes de la musique alternative du Québec (SMAQ). Les discussions ont traité autant des risques courus par les travailleurs de l’industrie que de l’engagement que devrait prendre l’État afin de sensibiliser et de protéger les travailleurs en question. Encore ici, nos amis européens ont apporté une perspective éclairante. En effet, en France, des réglementations encadrent désormais les lieux où l’on diffuse de la musique amplifiée. Évidemment, rien n’est parfait, mais des organisations comme AGI-SON, qui oeuvre depuis 20 ans pour une gestion sonore conciliant préservation de la santé auditive, respect de l’environnement et des conditions de la pratique musicale, nous démontre bien que le Québec est en retard. Par exemple, les SMAQ sont eux-mêmes en train de développer un projet en ce sens qui peine à trouver, eh oui, des subventions. La culture passe la puck à la santé et vice-versa.

Pendant ce temps, je constate autour de moi que rares sont les gens qui protègent leur audition. Pourtant, saviez-vous que l’oreille humaine peut tolérer sans protection une musique amplifiée à 105 décibels uniquement 5 minutes? Un concert rock peut atteindre jusqu’à 120 décibels, et à ce niveau, les dommages débutent après une exposition de 30 secondes. Les dommages auditifs sont irréversibles et c’est pourquoi, dans mon entourage, je sensibilise régulièrement et invite mes pairs à porter des bouchons filtrés permettant d’entendre toutes les nuances que nous proposent les musiciens. J’étais donc honorée que les SMAQ m’invitent à animer cette discussion sur un sujet qui me tient autant à coeur.

Ce que je retiens donc du FME, c’est que le festival est une source inépuisable de motivation, une occasion de se reconnecter avec les raisons qui nous unissent, que c’est un espace de découvertes tant musicale qu’humaine. C’est personnellement pour ces moments qu’écrire ces mots m’anime toujours autant. Merci Rouyn, merci à chacune de personnes qui a façonné mon expérience et merci aux musiciens qui nous partagent leur passion et qui ravivent nos désirs de s’impliquer pour la scène émergente.

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