Critique : Nine Inch Nails – « Hesitation Marks »

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NIN - Hesitation MarksLes fruits de l’hésitation De celui qui a martelé pendant plusieurs années « Nothing can stop me now », Hesitation Marks surprend d’abord par son titre. Fort d’une œuvre bien établie, Trent Reznor semble en effet bien peu hésitant dans ce neuvième album de Nine Inch Nails. Après une courte introduction instrumentale aux sonorités étranges, une véritable tradition pour le groupe, l’album ouvre avec force sur Copy of A. NIN y brille aussitôt par sa maîtrise de la superposition successive de rythmes électros. La progression est rapidement entraînante, et ce titre, pourtant moins violent que pouvait l’être Mr. Self Destruct, Somewhat Damaged, The Beginning of the End ou 1,000,000 en tant qu’ouvertures des albums précédents, est d’une force et intensité des plus envoûtantes. Suit aussitôt Came Back Hunted, premier extrait de l’album, qui séduit par sa nouveauté et sa familiarité. Ici comme ailleurs sur l’album, on croit être en présence d’un hybride : une touche de The Fragile, un air de Year Zero, un écho de With Teeth… Une formule qui varie d’une pièce à l’autre, sans vraiment sombrer dans un moule ou un modèle prédéfini. Avec All Time Low, un véritable tour de force, NIN explore des rythmes plus funk, tout en rappelant un brin Capital G, qui déjà sortait du territoire musical habituellement ratissé par le groupe. La pièce semble même inclure un clin d’œil, intentionnel ou non, à une célèbre mélodie des jeux Final Fantasy. D’autres parallèles se succèdent : un rythme électronique plutôt minimaliste rappelant le Radiohead des dernières années traverse Disappointed, tandis qu’un certain air de The Cure est au cœur d’Everything, rare morceau de NIN chargé positivement. Various Methods of Escape, tantôt calme et plaignard, tantôt puissant et rempli d’espoir, partage cette même veine positive. Véritable chanson d’affirmation, cette pièce place les guitares au premier plan, une utilisation bien précise sur cet album aux multiples textures, et devient ainsi un des moments forts du disque. Running, aux rythmes pratiquement tribaux, rappelant certains Ghosts, lui succède et emprunte un tout autre parcours, sans toutefois perdre d’efficacité. En outre, c’est sans doute le moment de l’album où NIN se rapproche le plus de How to Destroy Angels. Somme toute, Hesitation Marks guide son auditeur d’une sonorité à l’autre, et pourrait sembler hésitant dans ses expérimentations et sa variété. Mais lorsqu’on place l’album dans le contexte de l’œuvre, l’hésitation vient du processus de création de l’album en soi, du chemin qui a mené, de 1988 à 2013, à Hesitation Marks. L’hésitation est un constat de Reznor sur sa propre œuvre. Ce qu’il révèle sur Find My Way, morceau le plus intime de l’album, est d’une part un regret, d’une part une errance : “You were never meant to see /All those things inside of me / (…) I have been to everyplace / I have been to everywhere / I’m just tryin’ to find my way”. On sent donc une longue et profonde réflexion chez Reznor, une quête à tâtons qui a conduit à apprentissage et une expérience de vie. S’il emprunte ici et là à ses anciens albums, et s’il en ignore certains autres, c’est qu’alors qu’il se cherche continuellement, il arrive aussi parfois à se trouver. Tandis que certains fans ont instantanément monté aux barricades à l’écoute de certains des nouveaux titres, les accusant essentiellement de ne pas être The Downward Spiral, plusieurs autres ont rapidement su apprécier la nouvelle maturité du groupe. Une hésitation qui en vaut la peine, donc, puisque l’album est sans doute l’un des meilleurs et des plus cohérents du groupe depuis The Fragile.

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